RENCONTRES
Il en est des livres comme des personnes. Certaines rencontres inattendues nous réservent parfois des surprises. Un ami, ce matin, m’a offert un ouvrage d’apparence modeste « La traversée des années noires et la déportation en Algérie » d’Elie Duguet. J’avais déjà lu « Sur les chemins de l’Arbousset» où j’avais retrouvé la saveur si attachante de la commune minière de Le Martinet dans le bassin des Cévennes, cette commune chère au cœur du Ded * . Je n’attendais pas grand-chose de ce récit autobiographique. J’avais tort. Le livre ouvert, je ne l’ai plus quitté, accroché par le ton de sincérité qui s’en dégage. Son parcours militant d’abord, est comme un concentré de l’engagement communiste de la génération qui a vécu la guerre d’Espagne, la seconde guerre mondiale et le temps exaltant de la Libération, puis la désillusion. Elie Duguet fut un militant des Jeunesses Communistes en 1932 (l’année de ma naissance), à la base et membre du comité central des JC avant de s’engager dans les Brigades internationales en Espagne de février 1937 à novembre 1938. A son retour, il galèra, connut les petits boulots épuisants et mal payés ; les brimades des petits chefs pétainistes ; l’arrestation et l’internement au camp de Saint-Paul d’Eyjeaux en Haute-Vienne et la déportation au fort de Bossuet en Algérie.
Un militant porté par la conviction de la victoire future du socialisme en dépit de la défaire de la République espagnole face à Franco soutenu par Hitler et Mussolini. Il a des mots durs pour le pacte germano-soviétique de non-agression conclu en 1939 : « une nouvelle impensable, ahurissante » que la population à majorité communiste de Le Martinet « ne pouvait comprendre et admettre ». Mais cela n’entame pas sa volonté de combattre Hitler et le fascisme ni sa confiance en l’Union Soviétique. Elie Duguet reflète l’opinion de la majorité des Communistes français cde cette époque.
Lorsqu’en 1956 je débarquai dans le Gard, venant des Deux-Sèvres, je découvris les mineurs, des militants ouvriers, des élus …les Communistes. Un éblouissement. De nouveaux horizons intellectuels et humains s’ouvraient à moi. Je retrouve dans l’ouvrage d’Elie Duguet des noms de femmes et d’hommes qui m’ont alors profondément marqué, André Marquès, Gabriel Roucaute, Noël Traversier, Marcel Sabatier que je côtoierai à la fédération communiste du Gard, Arthur Vigne, Louis Molinier, Isidore Michel, Charles Plantier, Emile Bondurand qui deviendra le directeur de l’agence de Nîmes de La Marseillaise et conseiller municipal avec Emile jourdan ; Roger Garaudy dont les désaccords politiques avec le parti sont longuement évoqués dabs la correspondance échangée entre Louis Althusser et Lucien Sève…Et combien d’autres.
Elie Duguet a un vrai talent de conteur. Les expressions empruntées au langage courant contribuent à l’atmosphère d’authenticité, de sincérité qui se dégage du récit.
Nous devons beaucoup à cette génération de Communistes qui ont fait le Front Populaire, la Résistance et les lois sociales de la Libération. Je lève mon chapeau avec affection et respect devant la mémoire d’Elie Duguet et de tous ces militants modestes qui forgèrent notre Parti.
* André Fabre
MON JARDIN SOUS L’ORAGE
Le ciel auparavant si bleu s’est soudain obscurci. De lourds nuages noirs tutoient la cime des cyprès qui dressent fièrement la tête et résistent à l’assaut.
Un frémissement pourtant agite leurs flancs, tandis que les monstrueux grognements de la meute cernent leur proie.
Un éclair ouvre une brèche dans ce décor dantesque, accompagné du rugissement de la bête. Une tourterelle apeurée a trouvé refuge au plus profond du feuillage et la tête sous l’aile laisse passer l’orage.