L’Humanité
Lundi 23 mars 2020
EDITORIAL
Par Maud Vergnol
Stratégie du choc
Accepter l’urgence sanitaire, ce n’est pas renoncer à l’avenir. Alors que chacun apprend à vivre – ou survivre – sous confinement, rythmé par le décompte dramatique des victimes, que la solidarité s’organise pour pallier un Etat néolibéral défaillant, le gouvernement ne change pas de boussole. « Plus rien ne sera comme avant », avait pourtant assuré la main sue le cœur Emmanuel Macron lors de son allocution télévisée. Il n’aura pas fallu longtemps pour que le naturel revienne au galop.
« Le monde d’après » devrait commencer maintenant pour faire face aux immenses défis de cette crise sans précédent. Mais le projet de loi relatif aux mesures d’urgence, présenté vendredi à l’Assemblée nationale relève bel et bien de la « stratégie du choc », qui veut qu’après un traumatisme collectif les citoyens soient dans un état de sidération propice à accepter ce qu’ils jugeaient inadmissible la veille. Milton Friedman, théoricien zélé de l’ultralibéralisme, a défendu cette théorie, conseillant aux dirigeants politiques d’infliger un traitement de choc immédiatement après une crise douloureuse.
Ainsi a-t-on découvert dans ce projet de loi de surprenantes mesures. L’article 7 donne la possibilité au gouvernement de prendre des ordonnances en matière économique et sociale, comprenant de graves mesures de régression qui s’attaquent aux 35 heures, aux congés payés et aux instances représentatives du personnel. La belle aubaine ! « La meilleure prime qu’on peut donner aux soignants, c’est de respecter les gestes sanitaires », a osé Gérard Darmanin. Muriel Pénicaud, elle aussi au sommet de son cynisme, s’en prend aux syndicats patronaux qui veulent suspendre les chantiers, les jugeant « défaitistes ».
Pourtant, tout dicte de faire le contraire de la thérapie macroniste en faisant de la satisfaction des besoins humains la priorité de l’action publique.
Même confinés, avec une démocratie sous cloche, gardons les yeux ouverts sur l’avenir. Transformons l’isolement impose en un immense élan pour penser « l’après » et préparer des jours heureux.