J'ai ce soir beaucoup de chagrin. Frédéric vient à l'instant de m'annoncer le décès de Lucien Sève. Peu de personnalités m'auront autant marqué que Lucien, le philosophe et le militant communiste. J'avais entendu parler de son père André avant de le connaître. André Sève était l'éditeur d'un dictionnaire orthographique et grammatical qui, depuis près de soixanre-dix ans, m'accompagne. Je l'ai toujours à portée de la main, usé, écorné, la couverture arrachée, mais ô combien précieux en dépit des évolutions de la langue française. Mon premier souvenir de Lucien date de son article retentissant, Les "dons" n'existent pas, qui me bouleversa d'autant plus que, jeune instituteur à l'époque, il bousculait beaucoup d'idées reçues et donna un cours nouveau à ma réflexion et à ma pratique pédagogique. J'aurai par la suite la chance de le rencontrer (souvent) à Nîmes où habitaient les parents de son épouse Françoise. Son beau-père Jean Guille était en ce temps là le proviseur du Lycée Alphonse Daudet et adjoint au maire communiste Emile Jourdan. Je le retrouverai au Comité Central du PCF. Ses interventions très attendues, sinon toujours approuvées nous faisaient réfléchir. Je dévorais et me nourrissais de ses ouvrages. Je n'en citerai que trois : Une introduction à la philosophie marxiste; sa Correspondance avec Louis Althusser qui m'a remis en memoire les débats théoriques des années 50/60; et le tome Iv de Penser avec Marx aujourd'hui, "Le communisme" ? dont j'ai attaqué l'étude il y a peu.
Comme lui, je suis athée, mais je suis persuadé que sa pensée et ses oeuvres lui survivront, ce qui est une autre façon de dire l'immortalité de l'âme.
Que ses enfants et sa famille dont j'imagine l'immense douleur trouvent ici le témoignage de mon affection.
BD