Ses autoportraits nous présentent un visage sévère aux traits anguleux alors que sa peinture révèle une grande sensibilité. Albert André était né à Lyon mais il est décédé à Laudun dans la vieille demeure familiale où il habitait une grande partie de l’année. Ses tableaux représentant Laudun sous différents angles, les collines alentour, Roquemaure, le Rhône, les scènes villageoises, le pont de la Tave qui a servi de cadre à ses Baigneuses (1928)…témoignent de son affection pour ce territoire et ses habitants. Il aimait y recevoir ses amis, notamment Auguste Renoir qui y fit de nombreux séjours. Les portraits nombreux – dessins et huiles – qu’il en fit au cours de vingt-cinq années d’amitié reflètent leur étroite complicité. Et puis il y eut Jacqueline adoptée par Albert et son épouse Maleck. Albert André peignit quelque 1000 portraits de Jacqueline. L’exposition des Archives nous la montre devant un chevalet et peignant, jouant de la guitare, lisant au jardin - ah ! les jardins d’Albert André, j’y reviendrai – Jacqueline en corsage rouge, en robe bleue, de face, de profil…cheveux courts, une mèche sur le front. C’était la mode dans les années 40-50. Ma tante Lucienne était coiffée ainsi. J’ai été d’autant plus sensible à ces portraits de Jacqueline que – comme je l’ai raconté par ailleurs – je l’ai bien connue lorsqu’elle était Conservatrice du musée de Bagnols-sur-Cèze. C’est toute une histoire. Elle était à ce moment-là l’épouse de George Besson le critique d’art de l’Humanité et des Lettres française dont je lisais les chroniques avec un immense plaisir. Les circonstances de l’activité militante au PCF me conduisirent à participer de près à la vie bagnolaise et c’est par l’Humanité que j’appris l’intérêt du Musée Albert André qui avait, à sa mort en 1971, recueilli une partie de la collection de tableaux de George Besson. C’est ainsi que je fis la connaissance de Jacqueline qu,i en 1978, coprésidera avec Jean-Pierre Chabrol mon comité de soutien pour les élections législatives à l’occasion desquelles je fus élu. Ce croisement de l’art et la politique, cet entrelacement, fut depuis son origine une caractéristique du Parti communiste Français et je me réjouis que mon camarade Elian Cellier perpétue cette tradition et préside l’association des Amis d’Albert André.
Ses jardins. Toujours habités de nombreux personnages (Au jardin, 1928), la famille (Les femmes au jardin,1829), les amis (A la sortie de l’exposition Monet aux Tuileries,1932), Jacqueline bien-sûr, au milieu des plantes et des fleurs, sous la tonnelle, à l’ombre de la glycine ou du figuier, en parfaite harmonie. Une image de la vie aisée de la petite bourgeoisie au cours de la seconde moitié du 19e siècle et au début du 20e. Albert André aimait les gens et les fleurs. C’est un bouquet de fleurs dans un vase vert, son dernier tableau, qu’il peindra le 2 juillet 1954, quelques jours avant sa mort. Les fleurs sont partout chez Albert André, dans les jardins, sur les tables (Roses et lys, 1894), dans les salons (La bibliothèque, 1913 , dans les compositions (La femmes aux paons, 1895).
Il faudrait tout citer, mais je ne suis pas le catalogue de l’exposition, je me limiterai donc à quelques coups de cœur : Nu à la toilette, 1953; Le musicien des rues, 1893 ; Les dames au Café Wepler, 1926 et La musique, 1900.
Cette remarquable exposition (jusqu’au 29 mars 2019) a été réalisée pour le 150e anniversaire de la naissance d’Albert André, sous la direction de Béatrice Roche, conservatrice du patrimoine et directrice de la Conservation départementale du Gard et de Fanny Charton, attachée de conservation du patrimoine et directrice-adjointe de la Conservation départementale du Gard, en collaboration avec le Musée d’Orsay, le Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis, le Musée Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône, le Musée d’art moderne de la Ville de Paris, le Maison Renoir de Cagnes-sur-Mer, Durand-Ruel et Cie.
Bernard DESCHAMPS
04/12/2019