Nous avons avec Michel Chevrier et Bétoula son épouse une longue histoire commune et je ne découvre que maintenant la passion de Michel pour la poésie. A ma décharge, ils ont été si longtemps absents de France que cet aspect de sa personnalité m’avait échappé. C’est précisément cette absence qui a nourri son inspiration. Michel, en effet, né en Normandie s’est imprégné des cultures rencontrées au cours de ses différents postes d’enseignant (en mathématique !), en Algérie, en Nouvelle-Calédonie et de ses voyages, en Polynésie, en Chine…
L’Algérie notamment d’où Betoula est originaire et où il a été coopérant, l’a profondément marqué. Il n’en a pas rapporté des breloques dont il fustige les porteurs :
Breloques du diable,
Ils agitent leur hébétude.
Jamais ne voient l’or
Aux regards amis.
Mais sa musique, ses couleurs, ses colères aussi se retrouvent dans les mots et les phrases qu’il cisèle :
Ils dirent « Nous sommes amour et paix »
Et le feu et le sang déferlèrent.
…
Des enfants,
Poitrines implosées ;
Suintant la peur,
Courent sur des routes.
Puis se perdent dans l’ombre
L’asphalte,
Façon napalm,
Brûle sous leurs pas.
Son apprentissage du Monde a effacé en lui toute trace d’européocentrisme
O Lord !
Se pourrait-il qu’il n’y ai qu’une seule parole ?
La mienne !
Et l’humour est pour lui le meilleur rempart contre la détresse qui l’étreint face aux crimes, à la misère et aux injustices.
Comme tout un chacun, je suis raciste :
Je n’aime pas les mauves !
Surtout s’ils sont hermaphrodites.
Heureusement,
Il n’y en a pas beaucoup,
Comme cela ils ne m’emmerdent pas.
Jouant avec les mots, usant des oxymores, il a des trouvailles comme celle-ci :
J’ai connu bien des mots,
Pour être humains,
Il ne leur manquait que la parole
Ou celle-ci pour dire son amour :
A l’aube de la vie
Je me suis enivré de toi !
Au seuil de la mort
Je titube encore.
C’est aussi pour lui une façon de traduire les contradictions du Monde, ses joies et ses peines, la générosité et la cruauté, l’espoir et le désespoir.
Et pourtant,
Là-bas, il y a des fleurs
Et je sais encore des oiseaux cachés
Pour ne plus voir mourir les hommes.
J’ai dévoré les trois plaquettes que Michel m’a offertes et je ressens une immense frustration de ne pouvoir vous restituer toute leur richesse. Alors, découvrez-les.*
Bernard DESCHAMPS
30 septembre 2019
* - Dead can dance, L’herbier de feu, Nouméa, mars 2005.
- Métaphysique de profil, L’herbier de feu, éditeur, Nouméa, avril 2010.
- Oxymore, Ecrire en Océanie, éditeur, 1er trimestre 2015.