18e Festival International du Documentaire de Lasalle-en-Cévennes dont le thème cette année était, « C’est chaud ».
La chaleur en effet était au rendez-vous. Des enfants se baignaient dans la Salindrenque et la foule avait envahi la Place de la Mairie. Une foule bariolée, décontractée . Un public assidu, dont 70% sont issus de la grande région, me disait le maire Henri de Latour, et 30% de l’extérieur, y compris de l’étranger.
Les associations avaient pris possession de la place autour du chapiteau à l’ombre duquel les festivaliers pouvaient déguster les recettes locales, bio évidemment et souvent végétariennes, soupes, galettes de légumes cuisinés, omelettes aux cèpes, fromage blanc de brebis à la confiture de châtaigne, crèpes, boissons glacées d’hibiscus et de menthe…
Soixante films étaient programmés avec des focus sur la Chine et le Québec ; des rétrospectives consacrées à Michel Brault et Jean-Pierre Beauviala ; des tables-rondes ; des instants poétiques en plein air et la fête le soir. La Filature, le Temple, la Chapelle et le Foyer ont fait le plein. C’était un public curieux, instruit, de gauche en majorité, qui participa activement aux débats et s’intéressa aux ouvrages exposés par la librairie Diderot de Nîmes.
IL était difficile de tout voir. Nous avions fait le choix d’une quinzaine de films. J’en ai vu une dizaine. Sur la Chine (‘’L’observateur » de Rita Andreetti) ; sur le Mexique («Soleils noirs » de Julien Elie) ; sur la Bulgarie communiste (« Je vois rouge » de Bojina Panayotova) ; sur Poutine (« Putin’s Witteness » de Vitaly Mansky), sur les cités des Mureaux («De cendres et de braises» de Manon Ott) ; sur le chef d’orchestre Jean-Christophe Spinosi (« Sacrée musique » d’Olivier Bourbeillon) ; sur les Gilets jaunes d’Aimargues (« Le Rond-point de la colère » de Laure Pradal et Pierre Carles) ; sur Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir (« Sartre et Beauvoir » de Max Cacopardo), ainsi qu’un film réalisé dans une classe de l’école primaire publique de Lasalle.
J’ai vécu de grands moments. J’ai notamment découvert Vitaly Mansky, son travail remarquablement distancié et ses interrogations sur Poutine : « n’étais-ce pas se compromettre que de l’interviewer ? ». J’ai retrouvé la démonstration d’une lumineuse clarté et d’une brûlante actualité de Sartre sur l’impérialisme américain. J’ai été ému par la recherche de Bojina sur ses parents communistes. Je me suis amusé des numéros de clown de Spinosi. Je me suis réjoui de la place tenue par mon journal l’Humanité dans la lutte des ouvriers de Renault-Flins. Je me suis replongé dans l’atmosphère d’une classe d’école primaire en me disant que décidément le monde et les élèves ont bien changé depuis les années cinquante. J’ai vibré de colère devant la répression policière des Gilets jaunes en regrettant que ne soient pas mentionnées leurs revendications contrairement à ce qu’ont publié ceux du Piémont cévenol (voir sur ce blog).
Globalement donc une riche programmation qui donne à voir des films qui sont rarement dans le circuit commercial. Je ferai cependant une critique aux programmateurs (dont il faut louer l’engagement le plus souvent bénévole). La description du monde qui nous est présentée est très pessimiste. Certes des évènements terribles s’y produisent et ce capitalisme pourrissant peut nous conduire au pire. Mais cela n’est pas inéluctable. Des succès sont remportés par des peuples en lutte ; au Mexique avec l’élection du candidat de gauche à l’élection présidentielle ; en Gambie après le départ du dictateur ; au Venezuela avec l’échec de la contre-révolution, etc De grands mouvements populaires se développent comme en Algérie. Cette note- là faisait défaut. De même, en ce qui concerne la Chine et les ex-pays socialistes, si la critique sans concession est nécessaire, je crois qu’il eut été utile de donner parallèlement un éclairage sur les conditions historiques et les déviations idéologiques qui furent à l’origine des crimes justement dénoncés. Sans doute aussi conviendrait-il de réfléchir aux débats qui suivent les projections. La présence souhaitable des réalisateurs conduit souvent à limiter les échanges aux aspects techniques. L’intervention d’un/ d’une des organisateurs/trices permettrait sans doute de faire en sorte que les débats abordent aussi les questions de fond.
Mais ce sont des critiques mineures. Ce festival a le mérite d’exister et un grand merci doit être adressé aux bénévoles qui tout au long de l’année se dévouent pour qu’il vive.
Bernard DESCHAMPS
4 juin 2019