Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 décembre 2018 3 05 /12 /décembre /2018 06:25

Une situation prérévolutionnaire ?

   « Nous vivons un moment historique » déclarait le 3 décembre André Chassaigne à l’Humanité. Le mouvement des « gilets jaunes » qui a pris naissance en dehors des syndicats et des partis politiques est soutenu par 72% de la population en dépit des violences condamnables de samedi dernier. Expression d’une colère sociale irrépressible, il est évident qu’il ne se satisfera pas de mesurettes comme en témoigne à l’heure où j’écris ces lignes, l’accueil réservé par les manifestants aux annonces du Premier ministre.

    Cette colère peut déboucher sur le meilleur comme sur le pire. J’ai pensé, à ses débuts, que le RN de Marine Le Pen en serait le principal bénéficiaire et que le pire risquait de l’emporter. Ce n’est plus si sûr. Les slogans anti immigrés y sont minoritaires, par contre la revendication de l’augmentation du pouvoir d’achat par la hausse du SMIC, des retraites et des minima sociaux monte en puissance ainsi que l’exigence du rétablissement de l’Impôt Sur les grandes Fortunes (ISF) au grand dam des banques et du grand patronat qui ont choisi leur camp et combattent le mouvement. Face à l’intransigeance de Macron et de ses soutiens, les manifestants sont aujourd’hui plus nombreux à exiger une 6e République qui donne réellement le pouvoir au peuple.

   C’est dans les luttes que mûrissent les consciences. Il appartient au PCF, à la CGT et aux organisations progressistes de faire connaître leurs analyses et leurs propositions. Et le mouvement populaire décidera de s'en emparer ou non. L'avenir lui appartient. Cet avenir n'est jamais écrit à l'avance.

Trois regards sur l’Algérie

   Presque simultanément, trois manifestations : une émission télévisée, le Panorama du Cinéma algérien dans le Gard et une conférence-débat dans la commune cévenole de Lasalle, nous disent bien des choses sur le regard que nos concitoyens portent sur l’Algérie.

« Plus d’un demi-siècle après l’indépendance, la question algérienne reste un sujet tabou en France et suscite les passions dès qu’elle est abordée » nous dit Laurent Delahousse dans la présentation de son émission.

 Algériens ou franco-algériens vivant en France ; Pieds-noirs « déracinés » ; familles des 1 343 000 appelés ou rappelés et des 407 000 militaires d'active envoyés combattre en Algérie entre 1954 et 1962 dont 30 000 y ont perdu la vie…Les sentiments, les opinions sont forcément divers tant sont diverses et contradictoires les expériences vécues.

  La large fresque présentée par Delahousse de la colonisation à l’Indépendance puis à la décennie noire des années 80-90, à l’évidence inspirée par les historiennes Sylvie Thénault et Raphaêlle Branche et ponctuée des interventions d’acteurs et de témoins, Ali Haroun, Le Père Delorme, Jean-Pierre Chevènement et d’autres (dont Le Pen !) m’a paru relativement honnête. Je dis « relativement », car il est dommage que l’impasse ait été faite sur les coups de feu tirés le 5 juillet à Oran depuis la Maison du Colon, place Karguentah, sur le défilé des Algériens qui fêtaient l’indépendance  et qui sont à l'origine du  déchaînement de violence qui s’en suivit..

   Il reste que cette émission, contrairement à beaucoup d’autres qui jusqu’alors privilégiaient le point de vue des revanchards de " l’Algérie française," constitue un effort louable d’objectivité. C’est à mon avis le reflet d’une évolution de l’opinion publique en recherche de vérité.

   Cet intérêt et cette soif de savoir étaient manifestes lors des projections du Panorama et au cours des échanges qui ont suivi ma conférence à Lasalle. La riche programmation du Panorama du Cinéma algérien à Nîmes, Alès et Aigues-Mortes  avec les films sur la « Disparition » de Maurice Audin ; « Alger, la Mecque des révolutionnaires » ; « Les enfumades de Dahra » ; l’accaparement des terres par l’Etat français au profit des colons ; la « bataille » d’Alger de 1957, etc répondait à ce besoin de connaître. J’ai en effet, une nouvelle fois, constaté combien sont méconnues à la fois cette période de notre histoire et la réalité de l’Algérie d’aujourd’hui. A Aigues-Mortes, des habitants de fraîche date ignoraient les manifestations de 1956 contre le départ des jeunes soldats français en Algérie ainsi que l’engagement de Marc Sagnier qu’il paya de 11 mois de bagne dans le sud du Sahara. A Lasalle où réside un nombre important de franco-algériens, certains  ignoraient que des Français avaient lutté pour le droit à l’indépendance de l’Algérie et dans l’auditoire nombreux étaient celles et ceux qui découvraient la lutte héroïque des mineurs algériens des Cévennes et les tortures qu’ils avaient subies derrière les murs de l’ancienne Ecole d’Enfants de troupe de Saint-Hippolyte-du-Fort. J’avais exposé à cette occasion les exemplaires des quotidiens nationaux francophones que j’ai rapportés de mon récent voyage. Les personnes présentes découvrirent qu’il existe en Algérie une presse très critique et particulèrement  insolente à l’égard des autorités. Ils découvrirent aussi l’attachement indéfectible de ce pays et de son peuple à la cause du peuple palestinien victime de la politique d'Israël.

   D’anciens soldats appelés qui ont combattu en Algérie et qui s’étaient tus jusqu’alors, se décident à témoigner. Des évolutions se font jour y compris parmi les familles de Pieds-noirs chez qui l’esprit de revanche recule tandis que demeure un amour profond de l’Algérie. Des jeunes de la 3e génération d’immigrés algériens questionnent leurs parents et veulent connaître le pays de leurs ancêtres. « L’art de perdre » le roman d’Alice Zeniter est caractéristique de cette aspiration nouvelle.

   En contre-partie de ces évolutions positives, se développe, au nom d’une « volonté d’apaisement », une tendance à mettre sur le même plan le colonisateur d’hier et le peuple algérien exploité et martyrisé. Cette voie ne peut pas déboucher sur une véritable amitié entre nos deux peuples. Pour être confiante donc durable celle-ci doit être confortée par une reconnaissance sans réserve du mal infligé à ce peuple par la colonisation française. Des pas en ce sens ont été accomplis par François Hollande et par Emmanuel Macron, mais nous sommes encore loin du compte. Ne restons pas au milieu du gué. C’est l’intérêt de la France et de l’Algérie.

Bernard DESCHAMPS

04/12/2018

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : ww.bernard-deschamps.net
  • : Blog consacré pour une grande part aux relations entre l'Algérie et la France.
  • Contact

Recherche

Pages

Liens