La nuit est tombée sur les Cévennes. Un épais brouillard a envahi les vallées et noyé les ruelles grises du village.
La nouvelle salle du centre culturel bruit des conversations du public venu écouter le quatuor Alberta. Les spots s’éteignent. Le raclement d’une chaise. Une toux étouffée. Le silence peu à peu s’installe.
Le violon d’Antoine Paul attaque le premier mouvement (allegro moderato) du quatuor en mi bémol majeur, opus 33 n°2 de Joseph Haydn.
Ce n’est pas la structure de l’œuvre ni le jeu des artistes qui me touchent, mais les images et les sentiments qu’ils m’inspirent.
Les violons d’Antoine Paul et de Marie Lestrelin, l’alto de Salomé Kirklar et le violoncelle de Pierre Poro* tissent des échanges joyeux, virevoltants, soulignés par leurs regards complices. Des djinns à l’allure espiègle esquissent un pas de danse, se lancent des défis, tentent des figures improbables. Mais ce ne sont que les prémisses d’une sarabande qui va prendre son envol avec le second mouvement (scherzo allegro). Ce qui n’était qu’esquissé envahit l’espace. Des sonorités gitanes parfois affleurent.
Dans le 3e mouvement (largo e sostenuto), une atmosphère de méditation nous pénètre, avant que le 4e mouvement (presto) renoue avec les thèmes endiablés du début.
Ce quatuor a été baptisé La Plaisanterie car il déconstruit le rythme traditionnel du menuet. Cette démarche iconoclaste sera encore plus évidente avec Les 4 saisons d’Astor Piazzolla que rythme le tam-tam du violoncelle.
Syncopée, frissonnante, sautillante, à la limite de la caricature du tango dans Le printemps, cette composition de l’artiste argentin est soudain submergée par la mélancolie qu’exprime la voix grave de l’alto, avant de retrouver sa violence, heurtée, saccadée.
L’été venu, le tango s’affirme et monte en puissance de son pas glissé sur un fond de romance très balancée traversée de dissonances à la limite de la rupture.
L’automne apaisé s’empare de nous avant que L’hiver et son manteau de neige ne recouvre toute chose et que dans le silence, les notes cristallines d’un oiseau n’affirme la permanence de la vie.
Près de moi, L…, le visage tendu est partie loin, très loin…
Un grand merci à M.Jean-Louis Janssens (adjoint au maire) et à la municipalité de Monoblet pour cette belle soirée.
Bernard DESCHAMPS
15 octobre 2018
- Ils ont entre 23 et 25 ans et ils ont déjà à leur actif un parcours flatteur. (Voir le site : quatuoralberta.fr)