EL WATAN
"Dans un message posté hier sur Facebook, le réalisateur écrit : «Chers amis journalistes, ce matin, vous étiez très nombreux à m’envoyer vos questions sur l’interdiction de la projection de mon film Ben M’hidi en Algérie. Effectivement, le film est interdit officiellement, mais je vous demande d’être indulgents, laissez-moi le temps de contacter mes partenaires, mes avocats afin d’analyser cette interdiction.»
Bachir Derrais, qui a publié également la photo d’une enveloppe envoyée par le ministère des Moudjahidine à la Sarl Les films de la source, n’en dit pas plus sur cette censure qui frappe son produit cinématographique, dont une partie du budget (près de 520 millions de dinars) a été débloquée à parts égales par les ministères de la Culture et des Moudjahidine. Ce long métrage de plus de 2 heures, dont le scénario a été écrit par l’écrivain-journaliste Mourad Bourboune, devait sortir à la même période, soit en septembre 2018, en France, en Italie, au Portugal et au Canada, avait annoncé, il y a quelques mois, le réalisateur, cité par l’agence officielle APS.
Dans une déclaration faite à El Watan en septembre 2017, Bachir Derrais a estimé qu’il s’agit d’une première qu’un réalisateur algérien ose lever le voile sur la genèse, les conflits des clans, les profils des initiateurs de la guerre d’indépendance, dans un film cinématographique. […]
EL MOUDJAHID
« Les réserves émises par le Centre de recherche sur le mouvement national et la révolution du 1er novembre 1954 au sujet du film sur Larbi Ben M'hidi est une procédure réglementaire tout à fait ordinaire et en adéquation avec les lois régissant la production cinématographique, a indiqué hier le directeur du centre, Djamel Eddine Miâadi. […] Cette commission, qui œuvre encore à finaliser les réserves et observation sur le film Ben M'hidi, «garantie l'authenticité des travaux sur la guerre de libération nationale», explique le directeur du centre, en rappelant que c'est un travail ordinaire pour toutes les productions du ministère des Moudjahidine, dont Zabana, de Said Ould Khelifa, Lotfi, d’Ahmed Rachedi, ou encore Crépuscule des ombres, de Mohamed Lakhdar Hamina. «
MEDIAPART
« Lorsque nous serons libres, il se passera des choses terribles. On oubliera toutes les souffrances de notre peuple pour se disputer les places. Ce sera la lutte pour le pouvoir. Nous sommes en pleine guerre et certains y pensent déjà ... Oui, j'aimerais mourir au combat avant la ...fin » Larbi BenM'hidi […]
Dans un entretien qu’il a accordé à Jeune Afrique, Bachir Derrais explique les derniers développements. Il explique que « la commission conteste certaines scènes et me reproche de ne pas avoir mis l’accent sur la vie et le parcours de Larbi Ben M’hidi Elle juge que le côté politique de ce biopic prend plus de place que le volet de la lutte armée. Elle estime en outre que le film n’a pas suffisamment mis l’accent sur les scènes de guerre et sur les atrocités commises par l’armée française. Elle n’a pas non plus apprécié que le film évoque les désaccords entre les chefs historiques du Front de libération nationale (FLN), ainsi que la guerre de leadership qui avait opposé d’un côté Ahmed Ben Bella et la délégation extérieure et de l’autre Larbi Ben M’hidi, Abane Ramdane et le CCE Le réalisateur affirme que la commission l’accuse d’avoir porté atteinte aux symboles de la révolution. […]
Honnêtement le ton pris par le réalisateur ne me plait pas, pour deux raisons : a science infuse de celui qui prend ses censeurs de haut et aussi pour les références qu’ils pensent être des références . Certes à la fin de son interview, il se rattrape en se disant prêt à écouter ll eut fallu faire un scénario qui sans mentir serait œcuménique […] S’il est vrai que la famille révolutionnaire se croit introniser à veiller sur l’histoire…}e dont elle détiendrait le monopole et les cordons de la bourse il n’en demeure pas moins que je ne suis pas personnellement pas d’accord avec ce qui est écrit ; Je ne vais pas chercher mes références uniquement en face , étant entendu qu’historien ou pas la plupart des historiens français – et c’est de bonne guerre- ne résistent pas à la tentation de minorer la part des révolutionnaires de la première heure dans le récit national. Le problème est de savoir si ce film est une fiction auquel cas il serait mal venu de dépenser 4 millions d’euros c’est près de 60 milliards de centimes. Si maintenant ce n’est pas une fiction il eut été honnête de décrire les faits historiques tout les faits historiques rien que les faits historiques en s’entourant d’un collège d’historiens algériens- ce film n’a pas vocation à avoir l’imprimatur des historiens français surtout s’ils sont clivants , nos historiens ont les savoirs et la sensibilité qu’il faut pour rendre un honnête témoignage .Il est donc malvenu de chercher un appui auprès des historiens français en prenant de haut les censeurs d’un pays qui a quand même financé le film avec l’argent du contribuable
Vu du côté des historiens français qui semblent être pris pour des références. Il serait utile de restituer autant que faire se peut ce qui s’est passé : Sur la base des informations de ces tortionnaires nous en citerons deux : Bigeard et Aussaresses. Justement et dans ce sens , Comme rapporté par le journal Le Point « En novembre 1984, Marcel Bigeard a admis, lors d´une interview au journal Algérie Actualité, qu´il avait utilisé le Penthotal (ou «sérum de vérité») pour faire parler Larbi Ben M´hidi, l´un des plus importants chefs du FLN: «On va pas torturer Ben M´hidi, quand même! (...) » (3)
Il y a donc bien eu torture morale , le bourreau s’aide d’une drogue pour amoindrir le jugement du Larbi Ben Mhidi qu’il sait réfractaire au sens résilient à la torture physique, Pour sa part l’exécuteur des basses œuvres assume : Il l’écrit dans son livre (Services spéciaux, Algérie 1955-1957), : « Arrêté par les parachutistes à la mi-février 1957, Larbi Ben M'Hidi a été exécuté, mais n'a pas été torturé le "commandant O" effectue sans états d'âme la sale besogne que le pouvoir politique laisse faire, voire ordonne, aux chefs militaires français à Alger. Dans la nuit du 3 au 4 mars 1957, Larbi Ben M'Hidi est donc emmené, en jeep, à vive allure, vers la Mitidja, plaine agricole proche d'Alger. :
« Le chef FLN est conduit dans la ferme désaffectée d'un colon extrémiste. On le fait attendre à l'écart. Pendant ce temps, Aussaresses et ses hommes, six au total, préparent l'exécution. (…) Il est un peu plus de minuit quand on introduit le chef FLN dans la pièce. Un parachutiste s'approche pour lui mettre un bandeau sur les yeux. Larbi Ben M'Hidi refuse. "C'est un ordre !", réplique le préposé à la tâche. Larbi Ben M'Hidi rétorque alors : "Je suis moi-même colonel de l'ALN (Armée de libération nationale), je sais ce que sont les ordres !" Ce seront ses dernières paroles. Le "commandant O" refuse d'accéder à sa requête. Larbi Ben M'Hidi, les yeux bandés, ne dira plus rien jusqu'à la fin. Pour le pendre, les bourreaux vont s'y prendre à deux fois. La première fois, la corde se casse. Dans cette précision révélée par Aussaresses, Drifa Ben M'Hidi, la soeur du supplicié, dit aujourd'hui trouver du réconfort. C'est à ses yeux "le signe d'une intervention divine" ». (4)
Pour n’avoir pas vu le film, je veux espérer que cet épisode entre Bigeard et BenMhidi soit honnêtement rapporté Comment l'état peut donner de l'argent pour faire un film sur un personnage de premier rang dans la révolution algérienne sans qu’on ne parle avant tout d l’adversaire ? On peut comprendre que dans son domaine le réalisateur fait ce qu’il fait mais en l’occurrence faire un film sur la révolution n’autorise pas à avoir une vision hémiplégique.de la réalité. On peut se donner comme cap de transcender la révolution pour aller chercher dans les méandres, la face cachée. Je pense que cette vision de voir aurait sa place dans un pays où l’histoire réelle et connue et assumée. Nous n’en sommes pas là. Je suis de ceux qui prônent un récit national honnête sans déformation qui décrit ce qui s’est passé Tout ce qui s’est passé rien que ce qui s’est passé.
Le combat de Ben Mhidi est connu, s’il est vrai qu’il avait une vision pessimiste du futur , Il n’en demeure pas moins que je suis aussi de ceux qui militent dans mon pays pour tout ce qui peut renouer les fils de la trame sociale sans insister outre mesure sur les divisions . C’est à cette dimension éducative d’une histoire sereine que devrait s’atteler le film qui n’a pas vocation à plaire de l’autre côté de la Méditerranée S’il est vrai qu’il faut se battre pour que l’histoire soit écrite honnêtement grâce à l’appui d’historiens algériens, je dénie aux autres de nous dicter le sens de l’histoire .[…]
S’agissant de Larbi Ben M’hidi , je suis convaincu qu’il ne faut pas se faire d’illusions, aucun fim présent ou futur ne peut rendre compte de ce que fut la grandeur du combat de Ben Mhidi, ses doutes, ses certitudes, et par-dessus tout un amour de l’Algérie qui lui fait se sacrifier pour une cause sacrée à la fois de l’indépendance mais aussi de la dignité humaine. »