l'Humanité
22/12/2017
L’ancien appelé d’Algérie, qui avait déserté en 1956 et s’était engagé pour la reconnaissance de la torture, est décédé à l’âge de 83 ans.
Jeune rappelé dans un régiment parachutiste durant la guerre d’Algérie, il avait été condamné à mort par deux fois pour avoir refusé de participer aux barbaries en cours. Après une vie d’engagement, c’est à l’âge de 83 ans, que Noël Favrelière s’en est allé le 11 novembre dernier, a annoncé sa famille mardi.
C’est en août 1956 que s’était scellé son destin. Une nuit de cet été-là, il décide de ne pas abandonner à son sort un prisonnier promis à « la corvée de bois », soit à être exécuté d’une balle dans le dos. Âgé de 22 ans, il avait déjà été témoin d’atrocités. Il choisit de déserter avec le jeune Algérien. « J’en avais plus qu’assez étant déjà contre (cette guerre – NDLR) avant de partir. (…) Là, ça a été la goutte d’eau, je ne voulais pas que ce jeune gars blessé soit tout simplement assassiné », raconte-t-il encore des années plus tard. Après une semaine de fuite dans le désert, il rejoint l’Armée de libération nationale (ALN), avant de partir pour Tunis, puis les États-Unis.
Noël Favrelière ne peut rentrer en France sans être inquiété qu’en 1966, une fois ses deux condamnations à mort levées, malgré quelques incursions dans la clandestinité. « Je ne regretterai pas ce que j’ai fait, car je ne me suis jamais senti aussi en paix avec moi-même et aussi libre », confie-t-il à son père, un ancien résistant, dans une lettre. Mais Noël Favrelière entend témoigner, révéler la réalité de la guerre d’Algérie. Il rédige un récit autobiographique, le Désert à l’aube, publié en 1960… aussitôt saisi et censuré. Son histoire inspire également le cinéaste René Vautier pour son film, sorti en 1972, et basé sur les auditions de plus de 600 appelés, Avoir vingt ans dans les Aurès.
Plus tard, nommé chez Renault à Sofia, l’ancien parachutiste apporte son concours à ceux qui résistent à la dictature des colonels grecs. Il entre ensuite, dans les années 1980, à la direction des affaires culturelles du ministère des Affaires étrangères, devient directeur de l’Institut Nodier à Ljubljana, puis du centre culturel français d’Amman jusqu’en 1995. La soif de voir éclater au grand jour les exactions dont il a été l’un des témoins ne le quitte pas pour autant. En 2000, il fait partie des 12 (aux côtés notamment de Henri Alleg, Josette Audin, Alban Liechti..) qui, dans les colonnes de l’Humanité, appellent « à la condamnation ( par la France) de la torture durant la guerre d’Algérie », dont la pratique vient d’être reconnue pour la première fois par le général Massu. « Le silence officiel, y écrivent-ils alors, serait ajouter au crime de l’époque une faute d’aujourd’hui. »
Julia Hamlaoui