Gilbert Meynier nous a quittés hier 13 décembre. Je perds un maître et un ami auquel je dois beaucoup. Il était né en 1942 à Lyon.
Ancien maître de conférences à l’université de Constantine (Algérie), professeur émérite de l’université de Nancy. Agrégé d’histoire (1966) - son directeur de thèse était André Nouschi - il a profondément marqué la recherche historique et notamment celle concernant l’Algérie.
Ses ouvrages font référence. Je citerai ceux que je consulte fréquemment : sa thèse de doctorat d’État (version complète) : L’Algérie révélée, la première guerre mondiale et le premier quart du XXe siècle (Editions Bouchène, 2015). Histoire intérieure du FLN, 1954-1962, (Fayard, Paris, 2002 et 2004; Casbah, Alger, 2003). Co-auteur avec Mohammed Harbi de Le FLN, documents et histoire 1954-1962, (Fayard, Paris, 2004 et Casbah, Alger, 2004). L’Algérie des origines. De la préhistoire à l’avènement de l’Islam, (La Découverte, Paris, 2007 et Barzakh, Alger, 2007; réédité en poche en 2010 par La Découverte)
Il avait enseigné dans les lycées d’Ussel (Corrèze); Alain Fournier à Bourges (Cher); Georges Clemenceau à Reims (Marne) et au lycée français d’Oran (lycée Pasteur) (1967-68) puis deux ans (1968-70) à l’université de Constantine. Il avait ensuite intégré l’université de Nancy 2 de 1971 à 2002.
Je n’étais pas historien de formation. Je n’avais comme bagage que celui rudimentaire que l’Ecole normale mettait alors à notre disposition conformément aux directives des fondateurs de l’Ecole publique qui recommandaient aux instituteurs – les hussards noirs de la République – d’étudier l’histoire locale des communes où ils enseignaient et où, souvent, ils remplissaient les fonctions de secrétaires de mairie.
Lorsque j’entrepris, à la retraite, des recherches sur l’histoire de la guerre d’Algérie telle qu'elle fut vécue dans le Gard, c’est Claude Mazauric, lui-même historien, professeur émérite des Universités qui me mit en contact avec le Professeur Gilbert Meynier dont il avait été le collègue à la Faculté de Nancy. Celui-ci accepta d’emblée de me guider et j’ai depuis lors continué à bénéficier de ses conseils et de son érudition qui était considérable. Certains évoquaient son esprit caustique. C'était pour lui une façon de se protéger. Je n’en ai jamais été la cible. Il avait une disponibilité et une patience inépuisables. Je pouvais lui téléphoner à n’importe quelle heure, il répondait immédiatement à mes sollicitations et il était intarissable. Cette relation de maître à élève devint peu à peu une relation d’amitié empreinte de respect de ma part. La déférence que je lui témoignais en l’appelant « Monsieur le Professeur » l’énervait prodigieusement.
Lorsqu’il organisa avec Frédéric Abécassis, en 2006 à Lyon, le colloque qui se tint à l’École normale supérieure - Lettres et sciences humaines, sur le thème « pour une histoire critique et citoyenne au-delà des pressions officielles et des lobbies de mémoire, le cas de l’histoire franco-algérienne », auquel participèrent une centaine de chercheurs algériens et français, il me demanda de présenter une communication sur les soldats français du contingent à partir de l’exemple du jeune ouvrier communiste insoumis d’Aigues-Mortes Marc Sagnier.
Je ferai par la suite la connaissance de Pierrette son épouse elle-même disparue le 03 novembre dernier. Pierrette, parallèlement à sa carrière d’enseignante était une militante de la CIMADE au sein de laquelle elle assuma d’importantes responsabilités en Rhône-Alpes.
Gilbert Meynier vint à plusieurs reprises dans le Gard. Il accepta notamment de piloter le comité scientifique et de conclure le colloque franco-algérien que France-El Djazaïr organisa en 2012 à Nîmes sur l’histoire de La fédération de France du FLN (1954-1962). Nous l’avions également invité pour une signature et une conférence à la fac Vauban sur L’Algérie révélée en 2015. Gilbert et Pierrette étaient tous les deux de culture protestante et je leur fis découvrir le Rassemblement du Désert à Mialet en 2007.
Fin octobre, je téléphonai à Lyon pour prendre de leurs nouvelles. C’est Pierrette qui me répondit. Elle m’indiqua que Gilbert était à Paris pour une conférence bien qu’il portât une poche à la suite de son opération de la vessie. Nous avons longuement parlé des migrants subsahariens en Algérie dont elle suivait de près la situation. En fond sonore, j’entendais des voix joyeuses, celles de ses petits-enfants. Elle était, me dit-elle, en parfaite santé. Quatre jours plus tard j’apprenais son décès, victime d’un AVC. Gilbert ne lui aura survécu que 40 jours.
En ces heures cruelles, je pense très fort à leurs enfants et petits-enfants.
Bernard DESCHAMPS
14/12/2017
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