Pierre Laurent, secrétaire national du PCF.
La disparition de Jack Ralite est un choc, même si nous nous étions préparés à cette issue depuis plusieurs jours. Nous perdons un communiste et un homme politique d'envergure, un des meilleurs défenseurs de la culture, un homme qui a exercé les plus hautes responsabilités au niveau de l'État, de son parti, le PCF, de sa ville, Aubervilliers. Jack Ralite, a été un des dirigeants communistes les plus respectés : bien sûr dans son Parti, auquel il est resté fidèle toute sa vie, dans toute la Gauche et chez les écologistes mais aussi à droite. Dans tous les lieux où il a exercé sa présence, il a fait partager ses idées. Ce fut le cas au gouvernement Mauroy, à l'Assemblée nationale, à la Région Île de France, au Sénat – ou à Aubervilliers dont il fut le maire, et aussi chez les créateurs, qu'ils soient écrivains, acteurs, metteurs en scène, cinéastes, philosophes, sociologues, ou médecins, chercheurs...
"Chacun est un être singulier, le rêve c'est que ce singulier soit imbibé du collectif, ce collectif étant lui-même imbibé de tous les singuliers". Jack Ralite
Jack était un homme libre, un homme sans frontières, qui ne se laissait dicter sa pensée par personne.
Jack Ralite était considéré comme l'ami des gens de culture et considéré par eux comme l'un des leurs. Avec « les états généraux de la culture » qu'il a fondés, il a combattu pour l'exception culturelle, les droits d'auteurs...
Comme beaucoup, j'ai toujours été frappé par sa culture, son amour des mots, sa passion pour chercher le nouveau, mettre à jour les absurdités de ce monde. A chaque fois que je le croisais, il conseillait une lecture, une pièce de théâtre. Il aimait lire une œuvre puis une autre, écrivant sur des bouts de papiers une pensée, une citation, une question. Travailleur infatigable, Jack Ralite lit et relit des passages entiers de Saint-John Perse, de Bernard Noël, de Julien Gracq, de René Char, de Mahmoud Darwich, de Neruda et d'Aragon. C'est dans ces moments-là que se passe l'indispensable rencontre entre le politique et le poétique. De cette rencontre avec des œuvres, des auteurs naissait sa pensée, pleine de fulgurances, ouvrant des chemins encore en jachère alimentant sans cesse notre propre réflexion sur l'art et la politique, la liberté du créateur, le théâtre, la beauté des choses.
Il a été de tous les combats pour la liberté de création en France comme dans le monde.
Encore aujourd'hui, il m'arrive de relire ses interventions au Sénat. Orateur hors pairs, il mettait par sa verve, ses arguments et par toujours quelques citations bien choisies, le public et ses adversaires politiques dans la poche. Il les subjuguait. Parce qu'il mettait sa culture, la culture au service des gens, de sa propre pensée.
Dans un de ses derniers textes paru le 1er mars 2017 dans son journal l’Humanité, il écrivait avec Meriem Derkaoui, maire d'Aubervilliers, Lucien Marest ancien responsable du secteur Culture du PCF :
« les œuvres sont intransigeantes et ce qui peut aussi améliorer leur appropriation par le plus grand nombre, c'est d'abord le recul des inégalités sociales et territoriales qui ont tendance à exploser en ces temps où la précarité, le chômage de masse, les bas salaires, le culte de la violence, l'idéologie asservissante du divertissement rendent difficile et quelquefois impossible une nouvelle rencontre entre le peuple et la culture. »
Cela « résume » pour moi, l'action de Jack Ralite.
Il aimait sa ville, Aubervilliers. Et les habitant.e.s le lui rendaient bien. Il voulait le meilleur pour les habitant.e.s. Il a été un des artisans de la décentralisation culturelle. Il est à l'initiative de la création à Aubervilliers du premier centre dramatique national de la décentralisation ouvert, le théâtre de la Commune, dirigé par Gabriel Garran.
Les habitant.e.s, il les considérait comme des « experts du quotidien ». Parce qu'ils étaient des experts, il fallait écouter, entendre leurs détresses, leurs souffrances, mais aussi leurs espoirs,
leurs revendications. Il les portait avec fidélité dans chaque hémicycle, chaque tribune où il pouvait se faire entendre. Son combat contre les injustices, contre les inégalités nous les faisons nôtres.
Nous faisons nôtre cette conviction que le système capitaliste a fait son temps, et qu'il y a besoin d'inventer, de créer un nouveau monde qui respecte chaque être vivant.
Jack était un passeur, un passeur d'idées, un passeur d'actions, un passeur de mots. Nous prenons avec fierté le passage de témoin qu'il nous a transmis.
Dans sa ville, il a su passer le relais à Pascal Beaudet, et à Meriem Derkaoui qui, à leur façon, poursuivent son action.
Aux habitant.e.s d'Aubervilliers, à sa maire et ses élu.e.s, aux artistes, aux femmes et hommes de culture, aux communistes, à ses proches, à ses ami.e.s, à sa famille, à Denis, Sophie, Pascal et leur maman Monique, je présente toutes mes condoléances, et celles du PCF, toute mon amitié, et ma solidarité.
Pierre Laurent, secrétaire national du PCF
Paris, 12 novembre 2017.