Ce roman ( ?) d’une jeune auteure de trente-et-un ans, née à Alger et vivant en France (Seuil, août 2017) m’a à la fois enchanté, bouleversé, ému et irrité.
« Nos richesses » est un clin d’œil au nom, emprunté à Giono, de la librairie des Vraies richesses d’Edmond Charlot à Alger qui révéla tant d’auteurs illustres d’Albert Camus à Emmanuel Roblès, de Jules Roy à Max-Paul Fouchet.
J’en ai été enchanté car il prolonge les manifestations consacrées à cet éditeur décédé à Pézenas en 2004, à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance en 1915. Il lui donne en effet longuement la parole au travers de son journal intime fictif qui relate son aventure éditoriale, ses relations avec les écrivains et ses tourments professionnels lors de la deuxième guerre mondiale et de la guerre d’indépendance qui avait sa sympathie que l’OAS lui fit cruellement payer.
J’ai été bouleversé et ému par le rappel du contexte du déclenchement de l’insurrection du 1er novembre 1954 ; par le récit des atrocités commises par la France le 8 mai 1945 à Sétif et dans le Constantinois et celui du pogrom du 17 octobre 1961 à Paris. Les trois pages (191, 192,193) consacrées à ce crime d’Etat, d’une puissance inouïe, méritent d’être lues lors des cérémonies commémoratives.
Mais j’ai été agacé par l’image négative et injuste d’Alger et de la société algérienne d’aujourd’hui, dépeinte par la narratrice. Heureusement, légèrement corrigée (trop légèrement !), par quelques-uns des personnages inventés par l’auteur : Abdallah, l’ancien libraire; Ryad qui ne se résout pas à jeter des livres; Moussa et son épouse si « partageux » (cette expression n’est pas dans le livre) ou encore la jeune Sarah, l’amie des squatteurs de l’ancienne habitation de Jean Sénac.
Oui, moi qui aime Alger, j’ai été agacé, mais j’ai lu ce livre d’une traite car il est passionnant.
Bernard DESCHAMPS
06 novembre 2017