Le Soir DZ
16/11/2017
Une visite, des contentieux et beaucoup d’attentes
La visite tant attendue du Président Macron en Algérie vient d’être annoncée pour le 6 décembre par l’intéressé lui-même, ce qui est pour le moins insolite et peu protocolaire. En attendant que les termes de cette visite et sa nature : visite d’Etat ? Visite officielle ? soient précisés, ce qui ne saurait tarder en principe, d’un côté comme de l’autre l’on mise beaucoup sur ce déplacement mais certainement pas pour les mêmes raisons.
La tenue à Alger cette semaine (dimanche 12 novembre) du Comité mixte économique franco-algérien (Comefa) a balisé le chemin pour cette rencontre au sommet mais a-t-elle permis d’aborder tous les aspects des relations entre les deux pays et surtout ceux qui empoisonnent régulièrement les relations avec l’Hexagone ?
La relation algéro-française n’a jamais été un long fleuve tranquille. Des hauts et des bas avec toujours des contentieux dont le conflit mémoriel n’est pas des moindres. Avec l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir en France et notamment les déclarations du candidat Macron à Alger qualifiant la «colonisation de crime contre l’humanité», une première pour un politique français, il n’en fallait pas plus pour que le Président Bouteflika félicite le candidat Macron, devenu Président, pour «son élection bien méritée», ajoutant que «le peuple français avait distingué un ami de l’Algérie».
Et depuis ? La réalité politique a pris le pas sur les déclarations de campagne et Macron a dû, face au tollé qu’il a provoqué dans son pays, moduler ses propos sur la colonisation.
Le pouvoir algérien, de son côté, a dû se complaire à observer que la France, sans ou avec Macron «l’ami de l’Algérie» à sa tête, est d’une constance qui fait fi de cette amitié lorsqu’il s’agit d’intérêts stratégiques à défendre.
C’est ainsi que la France a dû poursuivre sans relâche la relation privilégiée qu’elle a avec le Maroc qui accuse l’Algérie d’être l’élément bloquant et accompagner le royaume dans les instances internationales appuyant la colonisation du Sahara occidental et lui refusant l’autodétermination.
Aujourd’hui que la situation au Sahara occidental est toujours bloquée, que les relations algéro-marocaines sont fortement dégradées, la France a bien essayé de jouer à l’équilibriste sans succès et surtout sans abandonner son soutien à la position marocaine sur le Sahara occidental.
Sur ce contentieux bien lourd, l’on est loin d’avoir des éléments sur les résultats des entretiens que Messahel a pu avoir avec son homologue français lors de leur rencontre de dimanche dernier.
Peu d’illusions toutefois sur un éventuel changement de cap de la partie française. Si sur ce problème rien n’indique que la visite présidentielle française apportera du nouveau au plan des relations économiques, on est loin de faire l’économie de déclarations de satisfactions notamment après la tenue dimanche de la 4e session du Comefa. «Cette session est satisfaisante à plus d’un titre.
Elle a donné lieu à des discussions intéressantes et des orientations claires pour approfondir davantage le partenariat économique entre les deux pays.»
Et notre ministre des Affaires étrangères de citer la signature de trois accords de coopération relatifs au secteur de l’automobile, à l’équipement électrique et à l’agroalimentaire.
Si le déblocage de l’accord Peugeot, par exemple, était très attendu particulièrement par la partie française, il reste que cette dernière considère que les relations économiques entre les deux pays ont connu un fléchissement.
Selon Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie de l’Hexagone, «notre part de marché est passée de 24% en 2000 à 10% aujourd’hui». Aussi, de l’autre côté de la Méditerranée, tout est tendu pour que le marché algérien fasse la part belle aux entreprises françaises.
L’Algérie dans cette course au grignotage de parts de marché appelle, elle aussi, le partenaire français à intervenir davantage dans le marché algérien.
Tout le problème est de savoir selon quelles conditions ce partenariat s’exerce et si nous sommes réellement devant un partenariat qui suppose l’équation gagnant-gagnant.
Quant au plan de la sécurité au Mali, en Libye et plus globalement au Sahel, la France, qui a mis longtemps à comprendre que l’Algérie était incontournable dans la solution politique à cette situation d’abord parce qu’elle met en jeu la sécurité de son propre territoire, s’est, en toute évidence, rendue à cette réalité.
Pour s’en convaincre, Macron n’utilise plus comme il l’a fait lors de son premier déplacement au Mali les injonctions à l’encontre de notre pays, l’exclusion de notre pays à certaines rencontres des pays de la région, comme il semble s’être départi d’un langage néocolonial qui lui a été reproché en son temps.
Aujourd’hui, il semble que de part et d’autre l’on s’attelle à trouver des solutions communes aux conflits dans la région et en accord avec toutes les parties concernées.
C’est dire que la visite de Macron le 6 décembre à Alger devra être riche en questions essentielles qu’il faudra résoudre pour parvenir enfin au «partenariat d’exception» qu’évoquent les deux parties sans y parvenir réellement.
Khedidja Baba-Ahmed