Réflexions sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes
Les Catalans étaient appelés hier à voter Pour ou Contre l’indépendance de la Catalogne. Le gouvernement espagnol de droite a tout fait pour que ce référendum n’ait pas lieu. Je me suis prononcé en faveur de ce référendum, contre la répression de ses organisateurs, sans me prononcer sur l’indépendance.
Dans le même temps, je condamnais les manœuvres sécessionnistes du Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie mais je considérais comme légitime la volonté du peuple kurde d’Irak, de Syrie et de Turquie de constituer un Etat.
Ces diverses prises de position sont-elles contradictoires? Ont- elles un point commun ?
Le mouvement ouvrier révolutionnaire n’est pas démuni pour s’orienter sur ces questions complexes. Le Congrès international de Londres de 1896, à l’initiative de Karl Marx, déclarait: « Le Congrès proclame qu’il s’affirme pour le plein droit de libre détermination de toutes les nations… » et cette position de principe fut par la suite constamment renouvelée. Lénine, dans sa polémique avec Rosa Luxembourg en février-mai 1914 (Œuvres complètes, tome 20, pages 417 et suivantes, éditions sociales Paris, 1959) argumente de façon précise, à l’aide d’exemples, en faveur de ce droit. Et son opinion est d’autant plus digne d’intérêt que le jeune pouvoir soviétique sous sa direction a traduit ce principe dans des actes concrets. Ainsi dès 1918, l’Union Soviétique reconnaissait l’indépendance de la Finlande, pourtant si proche, proclamée en 1917 et dont c’est cette année le 100e anniversaire.
En effet de nombreuses frontières ont été imposées, soit par la guerre soit pour les intérêts égoïstes de quelques puissances, sans tenir compte de l’histoire et des aspirations des peuples
Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est donc pour les Communistes un droit im prescriptible. Y compris le droit de séparation. C’est pourquoi nous condamnons les manœuvres et la répression dont sont victimes les Catalans comme celle des Kurdes. De même que j’ai condamné en 1980 la sanglante répression du Printemps berbère, qui a depuis été reconnue et condamnée par le Président Bouteflika.
Cela ne signifie nullement que l’indépendance soit dans tous les cas souhaitable. Cela mérite une étude et une réflexion approfondies, qui tiennent compte notamment de l’histoire, de la culture et de l’économie des pays concernés. Ce qui implique des débats contradictoires. Lénine lui-même dans sa polémique avec Rosa Luxembourg fait cette remarque : « Répondre par « oui ou non » à la question de séparation de chaque nation ? C’est là semble- t-il une revendication très « pratique ». Or en fait elle est absurde […] Reconnaître à tous le droit à séparation ; apprécier chaque problème concret touchant la séparation d’un point de vue excluant toute inégalité, tout privilège, tout exclusivisme.
Il reste que le droit à séparation doit rester ouvert et le peuple avoir le dernier mot. L’empêcher de se prononcer comme a tenté de le faire le gouvernement espagnol ne peut que favoriser les surenchères et créer une situation grosse de dangers.
Bernard DESCHAMPS
2 octobre 2017
au lendemain du référendum en Catalogne.