Festival en Cévennes
C’est une commune de 1000 âmes, au cœur de la Cévenne huguenote, avec sa rue unique qui borde la Salindrenque dont les eaux chantent au printemps et qui s’assèche l’été à l’exception de quelques gours qui font le bonheur des baigneurs.
Cette commune qui a conservé ses traditions d’accueil et de tolérance continue de recevoir des migrants de Syrie ou d’Afghanistan qui fuient leur pays en guerre et ses habitants ont créé il y a une quinzaine d’années un festival international du film documentaire qui durant le week-end de l’Ascension draine un public de plus en plus nombreux.
Un festival dont la programmation résolument progressiste est ouverte aux approches diverses. Cinquante films sont projetés cette année au Temple, à la Filature, au Foyer culturel et à la Chapelle ainsi que dans les communes des alentours Anduze, Ganges, Ispagnac, Le Vigan, Le Pont-de-Montvert, Valleraugue, Vialas et…Montpellier où se presse un public décontracté d’intellos de gauche, chaussures de marche, en short et sac à dos.
Sur la place centrale, se sont installés des stands qui offrent pour 5 ou 6 euros des plats préparés à partir des produits (bios) de la région. Un immense chapiteau a été monté avec tables et chaises qui permettent, tout en mangeant, de poursuivre les débats engagés à l’issue des projections.
Les 50 films retenus (sur un millier visionnés par les organisateurs) nous offrent un tour du monde des luttes populaires d’hier et d’aujourd’hui. J’ai bien sûr été ému de revivre nos combats contre la guerre d’Indochine et nos coups de cœur pour Cuba se libérant de la dictature de Batista et pour le Chili d’Allende (Loin du Viet Nam et Le fond de l’air est rouge de Chris Marker). Fidel affirmant la nécessité de la lutte révolutionnaire armée et Georges Marchais voyant dans le succès d’Allende la confirmation de notre stratégie d’union. C’était en 1971. J’ai tremblé pour Jesse Rosenfeld en le suivant dans ses reportages en Egypte, en Irak, à Gaza (Un journaliste au front de Santiago Bertolino). J’ai ressenti de la colère au rappel de l’ignoble tuerie de la première guerre mondiale évoquée au travers d’images d’archives et de bandes dessinées (Là où poussent les coquelicots de Vincent Marie). J’ai été particulièrement impressionné par le film de Peter Ettel, Comme la rosée au soleil qui expose avec une grande probité intellectuelle la dangerosité de la situation entre la Russie et l’Ukraine où tellement de haines ont été accumulées par l’histoire. Cette région au cœur de l’Europe est devenue une poudrière entretenue par les pays occidentaux, leurs fournitures d’armes et leur refus de discuter avec Poutine, certes peu recommandable, mais incontournable pour faire baisser la tension. Une bouffée d’air pur et d’espoir, par contre, avec Alcadessa de Pau Faus qui retrace la campagne électorale qui permit à Ada Colau d’être élue Maire de Barcelone. J’ai noté au passage que contrairement à Jean-Luc Mélenchon qui à la présidentielle française, a refusé toute discussion avec d’autres formations politiques, la plateforme qui soutenait Ada Colau était constituée de plusieurs partis qui avaient négocié un programme commun…
Et tellement d’autres films que je n’ai pu voir…
Et puis il y eut la Table-ronde, le samedi matin sur le thème : « Comment questionner notre Monde aujourd’hui ? » avec la participation de plusieurs universitaires, sociologues, historiens, anthropologues membre de l’IRIS issus de divers courants de pensée y compris marxiste. Le dialogue fécond de chercheurs se réclamant de Paul Ricoeur, de Bourdieu et de Marx. Refuser les simplifications, mais discerner le sens de l’évolution du Monde.
J’ai fait part au Maire de Lasalle, M. Henri de Latour, lui-même cinéaste, et à l’association organisatrice Champ-Contrechamp, du plaisir et de l’intérêt que j’ai pris à ce festival.
Bernard DESCHAMPS