On lira avec intérêt l’article ci-dessous du quotidien algérien Le Soir DZ rédigé à la suite de la visite du nouveau Président de la République française au Mali. Je suis, pour ma part, également préoccupé de la mise en cause brutale de l’Algérie alors que c’est grâce à elle qu’avait été signé en décembre 2015, l’Accord de Paix d’Alger entre le Mali et les groupes du Nord entrés en rébellion . Bernard DESCHAMPS
Le Soir DZ
20/05/2017
DIVERGENCES FRANCO-ALGÉRIENNES SUR LA GESTION DU TERRORISME AU SAHEL
Alger demeurait encore silencieuse après les tonitruants propos de Macron au sujet du bien sensible dossier malien. Il y a pourtant fort à parier que la situation ne tardera pas à évoluer : le nord de ce pays miné par les groupes terroristes s’est transformé en une véritable poudrière qui compromet la stabilité de toute une région où la France a plain pied.
Sans la «parenthèse» du coup de fil surprise du nouveau Président français à son homologue d’El-Mouradia, il va sans dire que l’intérêt suprême accordé au sujet aurait fait l’affaire des Algériens particulièrement préoccupés par la situation prévalant à ses frontières et pour laquelle le pays mobilise une grande partie des ses effectifs militaires. Seulement voilà, la «sortie» de Macron dévie le sujet de sa trajectoire. Il le semble du moins.
L’information a été rapportée unilatéralement par la presse française. Elle indique ainsi que le nouveau locataire de l’Elysée s’est entretenu avec le Président Bouteflika pour lui faire part de son «souhait de pouvoir parler du dossier malien de manière très franche avec l’Algérie». La franchise parle sur un point essentiel : «Le soutien présumé d’Alger à Lyad Ag Ghali», chef du fameux groupe Ansar Eddine. Notable Touareg bénéficiant d’une certaine assise auprès de sa communauté, il a su attirer au sein de son mouvement des échantillons de toutes les ethnies maliennes, y compris celles en farouche conflit, et assoir ainsi un «pouvoir» qui dépasse sans doute son rôle actuel de chef terroriste. Lyad Ag Ghali est de ce fait perçu comme un élément important, au terme le plus juste «particulier» du dossier. Et c’est ainsi qu’Alger le perçoit sans doute.
Appréhendant les conséquences pouvant découler d’une opération militaire amenant à la disparition de ce dernier, elle s’est en quelque sorte opposée à la course-poursuite que des soldats français avaient menée contre lui en 2016. Lyad Ag Ghali était alors à la portée de ce dernier lorsque les politiques français, conscients eux aussi des répercussions d’une disparition dans de telles conditions, prennent le téléphone pour joindre leurs collègues algériens et leur demander conseil sur la suite à donner à cette opération. Et on leur conseille justement de ne pas se précipiter. Les mois passent. Ag Ghali disparaît à nouveau dans la nature. A Gao comme ailleurs dans le Nord-Mali, les actions terroristes redoublent d’intensité, signant l’échec de l’intervention militaire française dans ces lieux. Une vingtaine de soldats y ont trouvé la mort en quelques mois, et la présence des contingents bleu, blanc, rouge offre parfois aux populations prétexte à des manifestations d’hostilité. Ici, comme en Centre-Afrique et ailleurs sur le continent, la France a échoué. Macron le sait, et veut aller vite. Pour tenter de redorer le blason de son pays et asseoir sa popularité en s’attaquant à l’un des sujets les plus critiqués par l’opinion interne ? «Nos hommes sont là, j’en ai la responsabilité devant les Français et leurs familles», a-t-il clairement déclaré peu de temps avant de prendre l’avion vers Gao vendredi dernier. A Paris, ses propos tonitruants sont suivis de très près. Ailleurs, on s’interroge cependant encore sur cette volonté de vouloir accélérer le règlement de ce dossier ultrasensible. Avant qu’il ne soit trop tard ? Très probablement.
Mercredi, le commissaire à la paix et la sécurité en Afrique révélait que des armes ultrasophistiquées étrangement parvenues en Libye circulaient actuellement au Sahel, procurant aux groupes terroristes et aux contrebandiers qui les possèdent une puissance supérieure à celle des armées régulières. La crainte d’un embrasement généralisé fait courir l’Union africaine qui cherche justement à limiter les dégâts occasionnés par les «influences étrangères» en dotant certains pays en conflit de troupes militaires africaines. 5 000 hommes de cinq pays africains sont prévus pour le Nord-Mali.
Moussa Faki, dernièrement élu à la tête de la Commission de l’UA, a su porter la voix de l’Afrique auprès du président du Conseil de sécurité lequel l’a écouté quatre heures durant. L’homme est pourtant connu pour accorder des entretiens n’excédant pas vingt minutes y compris avec les chefs d’Etat. «C’est dire l’intérêt qui est accordé au sujet», expliquait avec fierté Smaïl Chergui en insistant sur le processus mis en place pour libérer l’Afrique. Voilà le moment donc choisi par Macron pour booster le dossier malien. Vendredi, il a appelé à une «accélération de la mise en œuvre de l’accord de paix et de réconciliation» signé au terme d’un long processus mené sous l’égide de l’Algérie.
Un accord avait été signé en 2015 entre le gouvernement malien et les groupes du Nord entrés en rébellion. «Nous savons, a déclaré Macron, où se situent les difficultés principales et ce que nous devons faire, alors faisons-le sans barguigner.» «Ce que je veux, a-t-il ajouté, c’est une exigence sans doute renforcée à l’égard des Etats du Sahel et de l’Algérie (…) tout ce qui est inscrit dans les accords d’Alger doit être appliqué et la responsabilité de toutes et de tous doit être prise (…) on ne peut pas manifester quelque faiblesse que ce soit à l’égard de groupes terroristes quelles que soient les raisons politiques domestiques.»
A. C.