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20 avril 2017 4 20 /04 /avril /2017 13:05

 

Allocution prononcée lors du meeting de soutien à Jean-Luc Mélenchon à Saint-Gilles (30) le 19 avril 2017.

Que cette réunion se tienne à Saint-Gilles où fut élu le premier maire lepéniste de France en 1989, dont la population se débarrassa en 1992, est hautement symbolique.

 

Il n’y a pas de fatalité au succès du parti de la haine.

 

Aucun peuple au Monde, aucune région de France ne sont cependant à l’abri du racisme et de la xénophobie. Dans notre histoire, la tentation de l’extrême-droite n’est pas nouvelle, versaillaise au temps de la Commune, vichyste et pronazie pendant la deuxième guerre mondiale, favorable à l’OAS pendant la guerre d’Algérie.

Notre département n’a pas non plus été indemne de manifestations xénophobes comme le pogrom des Italiens à Aigues-Mortes en 1893 et, depuis 2012, le Gard a un député lepéniste et plusieurs maires dont celui de Beaucaire depuis 2014.

 

Cette région, ce département seraient-ils frappés d’une malédiction ?

 

Rien ne les prédisposait à tomber dans les bras de l’extrême-droite. Contrairement à une thèse avancée par un universitaire montpelliérain issu pourtant d’une famille de manadiers, nos traditions taurines n’en sont pas le terreau fertile. Le culte de Mythra nous vient d’Iran via la Grèce et de nombreux jeunes Français issus de familles du Sud de la Méditerranée s’illustrent dans les courses camarguaises et sont parmi les premiers du Trophée des As et du Trophée de l’Avenir.

 

Cette région fut souvent une terre d’accueil comme en témoigne l’Abbatiale de Saint-Gilles sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle et le pays du Cévenol Abraham Mazel, de Marie Durand et des prisonnières de la Tour de Constance à Aigues-Mortes, est par tradition une terre de résistance.

 

Pourtant, le 10 juillet 1940, six parlementaires gardois votèrent les pleins pouvoirs à Pétain. Trois ne votèrent pas dont le député Auguste Béchard qui était emprisonné politique et un seul Georges Bruguier, sénateur socialiste SFIO, vota Contre. Sous l’occupation nazie, des Gardois se vautrèrent dans la collaboration allant jusqu’à devenir membres de la Milice qui pourchassait les Résistants. Le nom de certains, ici à Saint-Gilles, est encore présent dans la mémoire des gens de mon âge.

 

Mais les Gardois bien plus nombreux se levèrent contre l’occupant.

 

Des manifestations de femmes eurent lieu comme le 31 décembre 1941 à Vauvert et le 21 novembre 1942 à Nîmes. A Nîmes également une manifestation patriotique se déroula le jour anniversaire du 11 novembre 1942. Dans le bassin houiller des Cévennes, du 12 au 16 mars 1942, les mineurs firent grève contre l’occupant.

 

De 1941 à 1945, 1523 Gardois furent arrêtés. 42, furent exécutés dont deux jeunes Communistes Jean Robert et Vincent Faïta guillotinés le 22 avril 1943 dans la cour de la Maison d’Arrêt de Nîmes. Certains furent pendus publiquement à Nîmes et à Saint-Hippolyte-du-Fort afin d’impressionner la population, d’autres jetés vivants dans le puits de Célas. 518 furent déportés dont 264 pour des faits de Résistance parmi lesquels François Angosto et Maurice Gauthier de Saint-Gilles.

 

Ceux qui combattaient pour la France et pour la Liberté n’avaient pas tous des noms à consonance française, ainsi des Saint-Gillois Jeanne Fredérico et Lido Novelli.

Dans les maquis du Gard combattirent côte à côte, Français, Espagnols, Italiens, Polonais, Arabes, Vietnamiens, Soviétiques – certains ont leur tombe dans le cimetière de La Calmette et…des Allemands déserteurs de la Wehrmacht. Ils nous ont ensuite aidés à relever la France.

 

Ce sont là des « détails de l’histoire » qu’il ne faut pas oublier !

 

Pendant la guerre d’Algérie, alors que le lieutenant Jean-Marie Le Pen torturait dans la Casbah d’Alger, des jeunes Français s’opposèrent pendant leur service militaire à cette guerre cruelle et injuste faite au peuple algérien et un puissant mouvement de protestation se leva dans notre département. En avril, mai et juin 1956, des milliers de Gardois occupèrent les gares de Vauvert, d’Aigues-Mortes, de Nîmes, d’Alès, de Cardet, de Chamborigaud, de Saint-Geniès-de-Malgoires, de Sommières et de combien d’autres villes afin de s’opposer au départ en Algérie des jeunes soldats mobilisés par le gouvernement socialiste. Dès 1956, douze pasteurs protestants gardois de l’Eglise Réformée se prononcèrent pour des négociations avec le FLN algérien, et parmi eux, Ideberg Exbrayat, Laurent et Michel Olives furent particulièrement actifs. Trois maires, Alexandre Molinier d’Aigues-Mortes, Narcisse Bolmont de Chamborigaud et Sylvain Boissier de Cardet – ils étaient Communistes - furent révoqués par le Ministre de l’Intérieur socialiste pour avoir participé à ces occupations de gares et 37 militants gardois furent poursuivis devant le Tribunal militaire de Marseille.

 

Un jeune ouvrier communiste d’Aigues-Mortes Marc Sagnier fit 11 mois de bagne à Timfouchy dans le Sud du Sahara pour avoir refusé de porter les armes contre le peuple algérien. Des militants socialistes, le Dr Jean Bastide du Grau-du-Roi ancien médecin-chef des FFI et le Docteur Emile Guigou de Vauvert participèrent activement à ces combats.

 

Les uns et les autres sauvèrent l’honneur de la France.

 

Que s’est-il donc passé pour qu’ensuite une partie de nos concitoyens se tourne vers l’extrême-droite ?

 

Cette région riche de son agriculture et de la présence de nombreuses usines – le Gard était le département le plus industrialisé du Languedoc-Roussillon - avec le textile et l’habillement à Nîmes, les ciments et l’industrie chimique à Beaucaire, le sel et les eaux minérales plus au sud, le charbon et les filatures dans les Cévennes, la chimie et la métallurgie dans la région d’Alès et de Roquemaure, vit disparaître ou décliner ces richesses et le nombre d’emplois régresser de façon dramatique, tandis que le vignoble gardois subissait une crise mortelle.

 

C’est la colère contre ces politiques inhumaines mises en œuvre par des capitalistes rapaces et des gouvernements qui leur étaient soumis qui s’est exprimée comme c’est parfois le cas par la recherche de boucs émissaires.

 

L’Etranger fut désigné du doigt alors que ce ne sont ni les Arabes, ni les Africains, ni les travailleurs de l’Est de l’Europe qui ont fermé les usines à Nîmes, à Beaucaire, à Saint-Gilles, à Aigues-Mortes, au Vigan…

 

Cette politique inhumaine a nourri la montée du lepénisme, encouragée par des politiciens de droite et par le grand patronat qui s’en sert pour diviser les rangs de ses victimes.

Pour combattre ce cancer, il faut donc satisfaire les revendications sociales et être intransigeant sur le racisme et la xénophobie. C’est la raison pour laquelle je soutiens Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle car il est le seul à être sans ambiguïté sur ces questions et il est le seul à être résolu à s’attaquer – pas seulement en  paroles - à la finance qui domine l’économie de son égoïsme glacé.

 

Et le mouvement qui se lève aujourd’hui pour le soutenir témoigne de ce que la colère sociale peut se détourner de Le Pen et prendre une voie progressiste.

 

Oui, je crois qu’il est possible que Jean-Luc Mélenchon soit présent au 2e tour et alors une bataille décisive s’engagera pour un vrai changement politique et la France pourra reprendre sa marche en avant !

 

Bernard DESCHAMPS

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