Ce que révèle le Fillongate
Les rebondissements spectaculaires de la campagne électorale doivent nous interroger. Les réduire à des combats d’ambitions personnelles – certes réelles – risque de nous cacher l’essentiel. Nous sommes face à une recomposition politique de grande ampleur à l’époque de la mondialisation capitaliste. Le capital financier mondialisé a besoin aujourd’hui de prendre en main directement la conduite des affaires du monde et les Etats-Nations et les partis politiques qui ont un ancrage territorial lui apparaissent comme des obstacles. L’élection du milliardaire Trump à la tête du pays leader du monde capitaliste est à cet égard significative.
En France, pour cette élection présidentielle, la grande bourgeoisie a trois candidats, Fillon, Macron et Le Pen.
Fillon est le représentant de la bourgeoisie terrienne animée d’un catholicisme ultra-conservateur. Qui plus est, un homme de l’Ouest, un Chouan qui a emprunté à l’ancienne noblesse monarchique ses codes.
Macron, directement issu des brain-trusts des banques, est leur fondé de pouvoir.
La fille du milliardaire Le Pen qui défend les mêmes intérêts avec un langage populiste et xénophobe est chargée pour sa part de dévoyer la colère populaire.
Les liens de François Fillon avec certains milieux d’affaires par l’intermédiaire de sa société de gestion, constituent un délit de conflit d’intérêts incompatible avec l’indépendance à l’égard des puissances d’argent qui doit être la règle des représentants du peuple. Si l’on y ajoute son goût pour l’argent révélé par les sommes perçues par les membres de sa famille à titre d’assistants parlementaires cela fait beaucoup et suscite une légitime colère populaire qui s’exprime par des concerts de casseroles comme à Nîmes ces jours derniers.
Mais cela n’est pas nouveau et de nombreux élus de droite et de gauche (non communistes) sont coutumiers de ces pratiques frauduleuses. Ce qui est nouveau, c’est la violence avec laquelle les turpitudes fillonesques sont dénoncées. J’ai rarement vu un tel acharnement des médias dominants qui ne nous ont pas habitués à de tels élans de vertu. Alors que tant de scandales financiers sont passés sous silence, à commencer par les salaires perçus par les patrons du CAC40 que seul ou presque le quotidien l’Humanité dénonce. Dans le même temps, les chaînes de télévision cryptées propriétés de groupes financiers promotionnent Macron à longueur de journées. A l’évidence, leur adversaire est JL Mélenchon et leur candidat préféré est Macron qui sous une apparence moderniste est capable de mettre en œuvre la politique souhaitée par les banques.
Il y a des précédents. Face à la guerre en Algérie qui coûtait cher à la France et isolait le Capital français dans le Monde, De Gaulle, après avoir tout tenté pour maintenir l’Algérie sous domination française, choisit les intérêts des banques quitte à sacrifier les intérêts – certes non défendables – des colons français implantés en Algérie. La phrase si critiquée de Macron à propos du colonialisme « crime contre l’humanité », d’ailleurs contredite par ses autres déclarations, m’a rappelé la phrase de De Gaulle « l’Algérie de papa est morte»…
Chacun aura bien compris que je n’écris pas cela pour dédouaner Fillon et Le Pen que je combats de toutes mes forces, mais pour que l’on mesure bien le danger Macron.
J’éprouve un goût amer
J’ai mal vécu ce matin (mardi) la lecture dans l’Humanité de l’article de Charles Silvestre consacré à Fellag. Je n’ai pas vu son spectacle mais j’ai été choqué par certaines des formules del’article: «…il (Fellag) ne la qualifie pas (la guerre d’Algérie), comme on s’y emploie, depuis, pour le meilleur et pour le pire. » ; « A la France et à l’Algérie où les « identitaires » n’en finissent pas de cultiver les ressentiments… » et ce trait de Fellag lui-même : « Vous avez raté votre colonisation, nous avons raté notre indépendance, on est quittes. »
Cette façon me choque de renvoyer dos à dos le colonisateur et le peuple algérien qui a payé son indépendance au prix du sang. Les cimetières portent témoignages des atrocités de l’armée française. Les bombardements au napalm, les villages rayés de la carte, la torture institutionnalisée ne peuvent être oubliés par le peuple algérien. Parler à cet égard de « ressentiments » est indécent.
Enfin contrairement à ce qu’affirme Fellag, la France n’a pas raté la colonisation dont l’objectif n’était pas comme semble le suggérer l’humoriste d’apporter la civilisation. Quant à l’indépendance, quelle que soit l’opinion que l’on a du régime algérien, elle a notamment apporté une politique de santé qui a éradiqué plusieurs pandémies, le développement de l’instruction publique et mis en œuvre une politique extérieure de Paix respectueuse du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. L’indépendance était un passage légitime et obligé. De même qu’en France, la politique des gouvernements après l’éviction des Communistes en 1947, ne conduit pas à regretter la Libération de 1945…
Bernard Deschamps
07/03/2017