Un livre tel que celui-ci, de 662 pages, (Gérard Davet, Fabrice Lhomme, Stock, octobre 2016) ne se lit pas d’une traite. J’en avais commencé la lecture il y a quelques semaines, avant de partir pour le Tassili N’Ajjer, je viens de le terminer au lendemain de l’annonce par François Hollande de son renoncement à briguer un second mandat. Et il prend dès lors une résonance singulière.
Le sous-titre, Les secrets d’un quinquennat, témoigne d’un certain sensationnalisme qui conduit les auteurs à privilégier les aspects psychologiques et people au détriment des aspects politiques. C’est dommage.
On a dit et écrit que cet ouvrage a été ravageur pour l’image de François Hollande et quelques appréciations sur certains de ses proches lui ont créé des inimitiés tenaces. Mais au total, l’impression qui ressort est celle d’un Président « normal » plutôt sympathique, « il est l’un des plus intègres que la France ait connus, l’un des moins obsédés par le pouvoir et ses attraits… » (P.662). Un homme confronté à ses déboires domestiques et sensibles à la douleur des victimes des attentats terroristes. Le procès qui lui a été fait à propos des « sans dents », à mon avis, est injuste. Mais un président frappé d’« impuissance », « à la fois personnelle et politique » (P.660). Cet ouvrage contribue – volontairement ou non – à un certain enfumage : le caractère de François Hollande et non un formatage idéologique expliquerait sa politique économique, ses interventions militaires, son opinion sur l’Iran et la Syrie…
Certes, les auteurs indiquent qu’il a fait le choix économique de « la politique de l’offre » et non celle de la « demande » mais sans en analyser les origines et notamment la formation reçue à l’Ecole Nationale d’Administration. C’est bien sûr François Hollande lui-même qui a mis en œuvre depuis cinq ans une politique sociale destructrice et nous ne saurions l’en exonérer, mais le procès qui doit être fait est celui du libéralisme économique dont la philosophie est celle de toutes nos grandes écoles. Les auteurs ne le font pas. Comme ils ne font pas l’analyse du terreau sur lequel se développe le terrorisme « islamique ».
Le livre de Davet et Lhomme évoque un certain nombre de personnalités et d’évènements qui ont marqué le quinquennat, les Premiers-Ministres Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls, Christiane Taubira, Ségolène Royal, Valérie Trierweiler, Julie Gayet, Emmanuel Macron, les aciéries de Florange, les attentats terroristes, la loi « mariage pour tous », la « loi travail », la déchéance de nationalité, la Grèce, le Mali, L’Ukraine, Poutine, Merkel…Par contre, aucune allusion à sa visite d’Etat de décembre 2012 en Algérie et à la signature de la Déclaration d’Alger qui pourtant sont parmi ses actes plutôt positifs. Comment faut-il interpréter cette impasse ? Sous-estimation des auteurs ? Remise en cause gouvernementale de cette politique ? Ce que pourrait accréditer le tweet impardonnable de Valls au sujet du Président Bouteflika.
L’Algérie n’est évoquée qu’à deux reprises. Dans une phrase du fidèle Stéphane Le Foll qui rappelle ce que nous savions déjà : «…il est sympa, comme sa mère l’était d’ailleurs, c’était une assistante sociale, généreuse. Son père, lui était dur, OAS. Il a fait la synthèse, il s’est construit contre ce père. » (P.182). Ce qui n’est pas sans rapport avec son attitude à l’égard de l’Algérie. Et une seconde fois en réponse à une remarque de Poutine qu’il faut citer intégralement car cette réponse a été interprétée à contre-sens:
« Poutine : De toute façon, les terroristes, vous savez ce que c’est, ce sont les mêmes qui vous ont fait la guerre en Algérie.
Hollande : Mais moi je discute avec ceux qui nous ont fait la guerre en Algérie ! Bouteflika, il était du côté de ceux que vous appelez les « terroristes ». (P. 461)
Ce n’est donc pas Hollande mais Poutine qui assimile les combattants algériens pour l’Indépendance à des « terroristes ».
Ce livre éclaire d’une certaine façon la décision du Président de la République de ne pas être candidat en 2017. Il assume son bilan qui est, pour l’essentiel, à l’opposé des engagements qu’il avait pris pendant la campagne électorale, ce qui suscite à juste titre un rejet massif, mais il est assez lucide sur lui-même pour comprendre qu’il n’aurait aucune chance à la primaire du PS et encore moins pour l’élection présidentielle et il a le courage de le reconnaître alors que les auteurs du livre pensent que jusqu’au bout il envisagea de se représenter. Au fond c’est un honnête homme, « gérant loyal du capitalisme » comme nous disions à une époque…Ce n’est vraiment pas le profil de dirigeant dont la France a besoin.
Un livre donc à lire, si vous n’êtes pas rebuté avec ou sans casque intégral par ses aspects people.
Bernard DESCHAMPS
03 décembre 2016