Le livre refermé (Les éditions Arcanes 17, mars 2016), je m’empresse de répondre, Claude, à la question que tu nous poses en conclusion : « Tu n’as pas perdu ton temps en rédigeant ces pages. » Instructives, stimulantes, donnant à penser, elles sont à la fois d’une lecture agréable et fort utiles.
C’est bien évidemment d’abord l’ouvrage d’un historien qui, retraité après quarante ans d’exercice professionnel, continue de se tenir informé des avancées de la recherche historique. Le néophyte y trouve matière à s’enrichir, le spécialiste en fait son miel.
Mais c’est aussi en historien et en « honnête homme » (au sens qu’on donnait à cette expression au XVIIe siècle) qui aime la musique et ne néglige pas l’entretien de son potager afin de régaler ses amis, qu’il nous dit son sentiment, ses coups de coeur, ses joies et (surtout ?) ses colères devant la marche – au bord du gouffre - du Monde en général et de la France en particulier. Il le fait en historien qui met ses observations en perspective dans le temps long, ce qui lui permet de mesurer la gravité de certaines évolutions et d’en relativiser d’autres. Ainsi de la progression de l’extrême-droite lepéniste qui s’inscrit dans une longue tradition française et se nourrit de la colère générée par la politique d’Hollande et de Valls et du découragement des électeurs de gauche qui s’abstiennent dans les élections.
Claude Mazauric formule ce diagnostic général : « Deux structures matricielles dominent en effet le jeu référentiel où Sarkozy puis Hollande, régnant sous la pression de l’extrême-droite, ont puisé les principes de leur action politique : la première structure référentielle nous soumet à ce que le pouvoir a lui-même qualifié de « politique de l’offre », la seconde résulte du fait que la majorité des Français parait désormais juger les individus qui résident en France ou souhaitent résider en France, non sur ce qu’ils font, c’est-à-dire sur leur pratique assumée, mais sur ce qu’ils sont supposés incarner » (P. 367).
La majorité des Français ? L’appréciation est peut-être un peu sévère. En tout état de cause elle a le mérite d’appeler notre attention sur le niveau auquel nous devons porter la lutte des idées et sur son ampleur. Cette analyse s’appuie sur un constat – que je partage – qui remet « en question le caractère universel de la protestation qui s’est exprimée le 11 janvier derrière le slogan impératif : « Je suis Charlie » comme s’il s’agissait d’un cri unanime prononcé par une France uniment rassemblée et solennelle. [... derrière la formule prétendument unanimiste et humaniste, nichait une vérité moins glorieuse. Une vérité d’ailleurs vivement ressentie hors de France dès la semaine suivant le 11 janvier : celle d’une véritable poussée, catastrophique pour l’avenir de la France, d’islamophobie, exprimée sous couvert d’un « laïcisme radical » qui est aux antipodes de ce qu’était la pensée laïque…de liberté pour tous les hommes et les femmes vivant en France…»(P.159)
Claude Mazauric est un jeune homme de 84 ans (nous avons le même âge) qui a des enthousiasmes et des emballements juvéniles. Il a la dent dure, mais juste, contre le couple Hollande-Valls qu’il qualifie de « politiciens sans principe » et des trouvailles réjouissantes comme celles de Microminus ou de Macromagnus pour habiller qui vous voyez. Son «affection » par contre pour Jean-Luc Mélenchon surprendra sûrement. Je lui sais gré, pour ma part, de s’employer à combler le fossé que nous avons laissé se créer entre notre candidat de 2012 et le Front de Gauche. L’avenir dira si nous y parviendrons. Il serait dommageable qu’il en soit autrement.
Merci Claude pour cette contribution à la réflexion et aux combats politiques d’aujourd’hui.
Bernard DESCHAMPS
03 avril 2016