Merci Magali de nous avoir signalé par un bel article, sensible et documenté, de l’Humanité (Magali Jauffret, 25 août 2015, page 16), l’importance et l’intérêt de la Collection Lambert offerte à la Ville d’Avignon et désormais exposée dans les hôtels du XVIIIe siècle De Caumont et De Montfaucon spécialement aménagés dans ce but. Ces chefs-d’œuvre de la peinture contemporaine sont, comme tu l’écris : « à faire pâlir les plus grands musées ». Il s’en est pourtant fallu de peu que la donation n’aboutisse pas : les divers décideurs potentiels dont la Maire de l’époque (Marie-Josée Roig, maire UMP) n’ayant pas conscience de son importance (580 tableaux et photographies !). C’est Frédéric Mitterrand alors Ministre de la Culture qui débloquera le dossier et le fera aboutir.
L’espace intérieur des deux hôtels a été entièrement remodelé et permet la présentation des œuvres, selon leur nature, dans des petites ou de grandes salles uniformément d’un blanc immaculé. Nous avons là un panorama des créations plastiques d’aujourd’hui, par des artistes du monde entier, états-uniens, français, anglais, chinois, algériens, majorquins, japonais…Au fil de ma visite dans les diverses salles, je suis particulièrement attiré et impressionné par certaines œuvres. N’y voyez aucun jugement de valeur, je ne suis pas critique d’art, je fonctionne au feeling.
C’est Jean-Michel Basquiat qui le premier me happe. Il en est ainsi chaque fois que je suis face à un de ses tableaux. Comme un coup au creux de l’estomac. C’est ce qui se produit avec Asbestos (1981-1982) et surtout avec « She Install Confidence and Picks Up Is Brain Like a Salad (1987) – ci-contre - dans lequel les deux longs bras d’un jeune Noir aveugle, tendus vers le soleil, portent toute la détresse et l’espérance d’une minorité opprimée. Dans un style dépouillé, dégoulinant de couleurs. Bouleversant.
Pas très loin, la peinture de Miguel Barcelo. Sa passion des livres qu’il peint sous différents angles en empruntant parfois, dans Bibliotéca (1984) par exemple, les couleurs traditionnelles, le marron, le jaune et le bleu du Mali où il a vécu.
Les visages auxquels je suis le plus sensible parmi les photographies de Nan Goldin, ne sont pas forcément ceux du catalogue. C’est celui de Rebecca tenant un enfant (1986) qui me frappe. A la fois protecteur, jaloux et offert. Photographies encore. Celles de Bolivie (1981) par Richard Long. Ciel, mer et rochers en noir et blanc. Contrastées. Sculptées. Minérales. Ou encore l’immensité et la profondeur de celles de Rika Nogust ( 1998). Chez Spencer Finch, je perçois l’influence de Viallat et de ses taches colorées. Ou l’influence de « l’outrenoir » chez Richard Serra.
J’ai été interloqué par le portrait en pied d’Yvon Lambert (2015) en premier communiant, une immodeste croix sur la poche de poitrine de sa veste, peint par Yan Pei-Ming. Etonné mais impressionné par les Black Supper d’Andrès Serrano. Douloureusement touché par l’Aile de cygne (2014) de Douglas Gordon. Et puis tant d’autres que je vous invite à aller découvrir.
Pour vous remettre de vos émotions vous pourrez ensuite déguster une salade grecque ou chinoise dans la cour pavée à l’ombre de platanes multiséculaires.
Bernard DESCHAMPS
17 septembre 2015