~~ Claude Mazauric (6 juillet 2015)
« Non » aux diktats de l’Europe germano-oligarchique, « oui » à une Europe de la démocratie et des peuples ! 61-62 % des exprimés en faveur de la position de Syriza, admirablement mis en scène et en discours par Tsipras, quel camouflet : un verdict sans appel.
Que notre joie demeure… Ni le chantage, ni les supposées « prévisions » destinées à désespérer les citoyens et citoyennes de Grèce pour les neutraliser, ni non plus l’arrêt de l’approvisionnement des banques grecques en liquidités monétaires, et même pas le ralliement terminal de la hiérarchie de l’Eglise orthodoxe au « oui », n’ont pu infléchir la claire volonté du peuple grec. La leçon ne sera pas oubliée en Europe, ni demain par aucun peuple, ni ce soir même (5 juillet), ni demain quand, à Berlin, Paris, Bruxelles, au FMI, il va falloir prendre la mesure du séisme politique qui vient de se produire. 2005, les hiérarques ont pu s’asseoir sans vergogne sur le vote négatif des peuples français, néerlandais et irlandais à la demande d’approbation du projet de constitution européenne : 2015, il leur sera difficile, parce que très périlleux pour eux, et je l’espère, de ce fait impossible, de se comporter de façon similaire à l’égard du choix des grecs. Une page nouvelle paraît s’ouvrir : les contentieux d’hier vont refaire surface de manière neuve. Ce qui était tenu pour acquis redevient hypothétique. La voix de la démocratie vivante (démos cratein) remet en question ce qui était tenu pour « définitif » en essayant de se faire passer pour « naturel » : le triomphe de la politique (politeia) sur la « nature des choses », dégage en Europe l’horizon de l’émancipation humaine.
Merkel, coincée, ballotée entre sa droite, son centre et sa gauche, se voit paralysée au cœur même de ce qui était son projet politique de construction d’une hégémonie allemande feutrée en Europe : il n’y a donc jamais loin du Capitole à la Roche tarpéienne ! Tant mieux.
Hollande, minable et baragouinant jusqu’à samedi, dès ce 6 juillet, va essayer de jouer les pompiers pour faire refroidir le brasier sans rien inventer, comme d’habitude ; mais qui peut prêter attention à cet homoncule politique, complice honteux hier des vaincus d’aujourd’hui, arbitre inexistant dans une compétition à venir dont il a contribué à trafiquer les règles et les traités ?
Que peut faire Lagarde, fille de garde aux ordres, qui, trois jours avant le référendum grec, lâche prise en considérant mezzo voce que l’absurde « dette grecque » devrait être réévaluée et re-échelonnée ? On n’est jamais trahi que par les siens !
D’ailleurs parlons-en de cette prétendue « dette » en posant cette simple question de fait : qui, parmi les « puissances » a jamais payé une « dette » d’Etat établie par d’autres ? La France, oui, une fois. Après le Traité de Francfort de 1871 avec l’or versé cash par le sinistre Thiers, le soi-disant « libérateur du territoire (sic) », qui a servi au Reich à se moderniser et prendre pied par la suite dans la compétition impérialiste, tout en se préparant à déclencher le premier round de 1914… Mais jamais l’Allemagne n’a versé le massif reliquat de ses dettes gigantesques, ni au lendemain de la Première guerre mondiale, ni après la Seconde, étant en 1950 exemptée de leur règlement pour simplement abonder au dispositif stratégique antisoviétique, pour solde de tout compte. Ni le Chili, ni l’Argentine, n’ont payé quoique ce soit de ce que certains osent encore leur réclamer…d’ailleurs, dans l’indifférence générale. Et il faudrait que la Grèce qu’on a contraint à s’endetter jusqu’au déraisonnable absolu pour grossir le magot de ceux qui l’exploitaient, se sèche jusqu’au collapsus au nom d’une règle jamais respectée par le moindre de ses Etats créanciers ?
Vive la Grèce qui a dit non ! En outre, vive la Grèce intelligente comme l’est son Premier ministre, Tsipras : avoir chargé pendant six mois le ministre Varoufakis, motard en colère, crane rasé, col ouvert, de pousser jusque dans leurs derniers retranchements absurdes des hiérarques européistes qui ne supportaient ni son ton, ni sa science avérée et digérée, ni son ascendant, et moins encore ses sarcasmes, en demandant dès le lendemain du référendum, de relancer pour le bien de l’Europe, une « négociation » qui serait poursuivie avec un autre interlocuteur plus gracile que l’ex-ministre grec des finances, est un coup de génie diplomatique qui restera dans les annales. Comme ceux qu’avait imaginés Cavour en 1859-1860 quand il négociait avec Badinguet, et pour le bien de son pays, la cession de la Savoie en échange de l’unité de toute l’Italie ! Pauvres eurocrates, avec leur air de maquignons, d’éthyliques honteux ou d’aristocrates défraîchis, ils n’ont pour seul bagage que leur magot, constitué de briques et de broc, comme celui du dieu Ploutos. Leur brutalité d’héritiers leur ferme les paupières ! Bientôt toute l’Europe voudra se débarrasser d’eux : tel est mon vœu le plus cher. Vraiment, que vive le peuple grec ! »
Claude MAZAURIC