Mon article du 7 juillet « Agression intolérable de l’Union Européenne contre l’Algérie » (sur ce blog), à propos d’une résolution votée par le Parlement européen, a suscité de nombreuses réactions. Certaines favorables, d’autres hostiles.
L’un(e) des auteur(e)s de la résolution, membre du groupe GUE/NGL, auquel j’ai fait part de ma préoccupation a confirmé et justifié cette opération dans les termes suivants : « Ce n'est pas une résolution contre l'Algérie mais contre la répression notamment sociale qui sévit actuellement. Je ne suis pas pour ou contre le gouvernement algérien mais pour ceux et celles qui s'expriment via le mouvement social et ne doivent pas être réprimés de ce fait. »
L’intention paraît louable et pourtant je considère qu’il s’agit d’une faute politique qui, au lieu d’aider les progressistes en Algérie, les dessert. Les communistes du PADS qui sont dans l’opposition au pouvoir algérien l’ont d’ailleurs condamnée.
Serait-il donc interdit à une personne, une association, un syndicat, un parti politique de s’exprimer sur les atteintes aux libertés dans d’autres pays que le leur ? En aucune façon. Les peuples ont des valeurs et des intérêts communs. L’appel de Marx « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous », est plus que jamais d’actualité, dans son sens large, à l’heure de la mondialisation. La prise de position parfaitement justifiée ces jours derniers de la direction nationale du PCF contre l’accueil en France du Président mexicain en témoigne. Encore faut-il le faire à bon escient après s’être assuré de la réalité des faits dénoncés et en mesurant les conséquences d’une prise de position. En ce qui concerne les anciennes colonies françaises qui se sont libérées au prix d’immenses sacrifices – c’est le cas de l’Algérie – il ne faut jamais perdre de vue qu’une critique venant de l’ancienne puissance coloniale est souvent mal perçue y compris par ceux qu’elle prétend aider. En d’autres termes, à l’heure de la mondialisation, les nations perdurent avec leur histoire, leurs cultures dont nous devons tenir compte. L’objectif d’une prise de position n’est pas en effet de se donner bonne conscience, mais d’aider réellement les peuples en faveur desquels nous intervenons.
En l’occurrence la résolution incriminée, après le vote du Parlement européen, n’est pas une prise de position personnelle ou d’un groupe, mais celle d’une institution l’Union Européenne qui a elle aussi une histoire et des objectifs politiques. Son attitude de supériorité méprisante, sa volonté de domination économique et politique au service des féodalité industrielles et financières ainsi que sa complaisance à l’égard de la politique d’expansion de l’Etat d’Israël rendent suspectes ses initiatives et son fonctionnement qui n’est pas un modèle de démocratie la disqualifie pour s’ériger en défenseur des libertés. Rien de l’autorise à porter des jugements de valeur sur tel ou tel pays tiers. C’est donc à mes yeux une erreur d’avoir proposé au Parlement européen un projet de résolution critiquant l’Algérie et s’ingérant dans le fonctionnement de sa Justice. Qui plus est demandant aux « représentants de la délégation de l’Union européenne et des ambassades des Etats membres » d’intervenir auprès des tribunaux algériens, ce qui constitue une atteinte grave à la souveraineté nationale au mépris des principes qui régissent les relations d’Etat à Etat et en contradiction avec notre conception de la séparation des pouvoirs.
Le projet de résolution était un texte commun à six groupes politiques dont deux sont de droite et d’extrême-droite. Un texte qui prétend, en alliance avec les négationnistes du groupe EFDD, s’ériger en juge des libertés en Algérie ! J’ai du mal à comprendre comment trois parlementaires du groupe GUE/NGL ont pu prendre une telle initiative. J’ignore s’ils l’ont prise seuls ou si c’est une décision du groupe. En tout état de cause, je ne comprends pas que nos camarades communistes français ne s’en soient pas démarqués.
Une réflexion de fond à mon avis s’impose sur les conditions actuelles d’une pratique internationaliste.
Bernard DESCHAMPS
Ancien député
13 juillet 2015