Réminiscence. Mais dans d’autres circonstances historiques. Avec la victoire de Syriza en Grèce, un espoir se lève. Les pressions vont être considérables. Je forme des vœux pour que la coalition politique à laquelle appartient le poète Manolis Glezos, le héros de l’Acropole, sache les surmonter. Je ne sais pas si l’autre grand poète grec qui m’est cher, Yannis Ritsos aurait voté Syriza. Pourtant c’est à lui qui a tant donné et tant souffert pour une Grèce démocratique que je pense ce soir et je relis avec émotion ce poème :
« Le jour se lève.
La brume se retire.
Les choses
dures brillantes et non démenties.
Je ne sais combien de mois nous dormîmes.
Oubliés nous fûmes oublieux
dans un éblouissement dense
de nuit et de soleil.
Je ne pleure pas
parce que le sommeil m'a renié.
Derrière notre jardin
existent aussi d'autres jardins.
La mort gravit
échelon après échelon l'échelle
qui mène au ciel.
S'enfuit l'été
mais la chanson demeure.
Pourtant toi qui n'a pas de voix
où te réfugier à l'abri du vent ?
Comment accorderas-tu la lumière à la terre ?
Ouvre les fenêtres
qu'entre la lumière
l'indomptée rafale du vent
l'haleine âcre
des montagnes grandioses.
Regarde l'inépuisable sourit
devant les bras croisés.
Délie les bras.
Ouvre les fenêtres
afin de voir l'univers en fleurs
de tous les coquelicots de notre sang
- que tu apprennes à sourire.
Tu ne vois pas ?
Dès lors que s'éloigne le printemps
derrière lui arrive notre nouveau printemps.
Le voilà le soleil
par-dessus les cités de bronze
par-dessus les vertes terres
en nos coeurs.
Je sens aux épaules
le fourmillement intense
alors que poussent
toujours plus jeunes et plus larges
nos ailes.
Relève tes cils.
Le monde resplendit
hors de ta tristesse
lumière et sang
chant et silence.
Mes chers semblables
comment pouvez-vous
encore vous courber ?
Comment pouvez-vous
ne pas sourire ?
Ouvrez les fenêtres.
Je me lave à la lumière
je sors sur le balcon
nu
pour respirer à fond
l'air éternel
aux fortes senteurs
de la forêt humide
au goût salé
de la mer infinie.
Le monde resplendit
infatigable.
Qu'il soit regardé.
Yannis RITSOS
Symphonie du printemps (Extrait)